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Newsletter #5 - Juin 2014

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MaddMaths
Edito

Ce 5ème numéro de MADD Maths vous donnera encore plein de bonnes raisons d'aimer les maths et nous comptons sur vous pour transmettre cette bonne nouvelle : MADD Maths est sur Facebook ! Faites passer le message et... likez-nous !



L'équipe de rédaction de la lettre MADD Maths.



À propos de l'attractivité des mathématiques

Pierre ARNOUX, Professeur à la Faculté des Sciences de Luminy (Université d'Aix-Marseille).


Les mathématiques sont attractives...

maths Le cours préféré des collégiens français, après le cours d'éducation physique et sportive, est le cours de maths (étude DEPP, 1997). Pierre Merle, dans un article de 2003, expose les résultats d'une enquête qui montre que 70% des élèves de collèges sont intéressés, ou très intéressés, par les maths. Un article très récent (Teresa Assude et al, à paraître) montre que les élèves de l’école de la 2ème chance de Marseille ont une vision positive des maths. Une thèse récente (Lili Ji, 2011) montre que le cours préféré des lycéens de terminale français est le cours de maths, comme pour les lycéens chinois. Toutes les enquêtes faites sur le sujet donnent des résultats similaires : les maths sont une matière attractive, probablement la préférée des matières scolaires, pour une majorité de lycéens et de collégiens.


On peut prendre les choses d'un autre point de vue : tout le monde sait que dans le lycée français, les différentes voies sont hiérarchisées, et que c'est la voie scientifique qui est en haut de la hiérarchie ; au sein même de cette voie scientifique, les différentes spécialités sont elles aussi hiérarchisées, et c'est la spécialité mathématique qui est en haut du classement.

la France compte le taux de bac+5 en sciences le plus haut

Même s'il n'est pas politiquement correct de le dire, car toutes les disciplines doivent se voir reconnaître une égale dignité, l'expérience quotidienne de tout parent d'élève, comme les divers indicateurs sociologiques disponibles, convergent vers cette image d'une hiérarchie forte et stable, et d'une forte attractivité des sciences et en particulier des mathématiques. Ici aussi, bien que dans un sens différent (mais l'est-il tellement ?) on peut parler de l'attractivité des mathématiques. Cette attractivité continue d'ailleurs dans les études supérieures : ce sont les études scientifiques, ingénieur ou médecin, qui sont les plus convoitées, et une étude récente de François-Xavier Martin montre que la France est le pays qui compte le taux de diplômés à bac+5 en sciences le plus haut, avant l'Allemagne, bien avant la Chine ou les USA ; même au niveau doctorat, elle suit l'Allemagne de près en sciences. Cette attractivité continue d'ailleurs avec l'accès à l'emploi : on sait que les diplômés scientifiques, en particulier en mathématiques et en informatique, sont parmi les plus appréciés des employeurs, comme le montrent les taux d'emploi et les salaires correspondants.


Qu'est-ce qui explique cette attractivité ? Il y a bien sûr quelque chose d'intrinsèque à la discipline ; chaque mathématicien connaît le plaisir de réussir une démonstration, et de comprendre pourquoi les choses marchent, même si ce plaisir prend des formes très diverses suivant les personnes. Ce n'est sûrement pas le seul facteur : les sociologues ont montré combien les goûts dépendent de la situation sociale de chacun ; l'article de Pierre Merle cité plus haut montre que l'intérêt pour les mathématiques baisse entre la 6ème et la 3ème, mais qu'il baisse moins que l'intérêt pour le français (peut-être parce que les buts de l'enseignement des mathématiques sont plus explicites que ceux du français), et surtout, qu'il baisse beaucoup moins pour les élèves qui considèrent qu'ils ont un bon niveau dans la matière. Il est aussi probable qu'il y ait quelque chose de spécifique à la France : la classification d'Auguste Comte a toujours une grande influence chez nous !


pourquoi l'idée répandue par les médias est en contradiction complète avec les faits ?

... quoi qu'on en dise !

Comment se fait-il que l'idée répandue par les médias soit en contradiction complète avec ces faits, et qu'il soit généralement admis qu'il y a un problème avec l'attractivité des mathématiques ?

Bien sûr, je n'ai pas dressé un tableau complet, et il y a aussi des ombres : on sait que les mathématiques sont anxiogènes pour beaucoup d'élèves ; on sait aussi que les effectifs de la spécialité mathématique en terminale ont fortement baissé, comme les effectifs des licences scientifiques. Ces faits avérés, qui ont d'autres explications qu'un manque d'attractivité des mathématiques, ne suffiraient cependant pas pour donner un tableau aussi noir que celui que l'on peint en général.


La véritable explication est probablement liée au fait que la plupart des personnalités politiques ou médiatiques n'ont fait aucune étude scientifique ; ces responsables pensent aux mathématiques en termes d'échec, et ont du mal à imaginer que l'on puisse s'y intéresser. Il est d'ailleurs socialement admis de parler en public de philosophie, d'histoire ou de littérature, mais considéré comme grossier de parler de mathématiques ou de physique (ce qui n'était pas le cas au siècle de Voltaire et de Condorcet). Cette évolution date du début du 19ème siècle, et semble débuter avec le romantisme. Cet état d'esprit donne une explication plus naturelle de tous les problèmes que peut rencontrer l'enseignement des mathématiques en termes de désaffection et de manque d'attractivité ; cette cause abstraite (et irrémédiable) permet d'éviter de chercher les causes concrètes, et les remèdes possibles, qui pourraient s'avérer coûteux de plusieurs points de vue, en particulier en obligeant à remettre en cause des certitudes paresseuses.


On peut en donner divers exemples ; je me bornerai à trois d'entre eux : la baisse des effectifs de la spécialité mathématique en terminale, la chute de la licence de sciences, et les difficultés récentes pour recruter des professeurs de mathématiques.


Trois exemples d'explications paresseuses.

On sait que les effectifs des élèves de terminale en spécialité mathématique ont fortement baissé en 20 ans. Est-ce le signe d'un manque d'attractivité des mathématiques ? Si c'était le cas, les meilleurs élèves, auxquels tous les choix sont ouverts, partiraient les premiers vers d'autres cieux. On constate exactement le contraire : le taux de mentions Bien et Très Bien, et le pourcentage d'élèves en avance ou issus des classes favorisées, tous indicateurs classiques des bons élèves, sont nettement meilleurs en spécialité mathématique : celle-ci est plus attractive que les autres pour les bons élèves. La cause de la baisse est plus prosaïque, et parfaitement connue : la moyenne de maths au bac est inférieure de quelques points aux moyennes de physique-chimie et de SVT ; cette différence, qui n'a aucune raison avouable, fait qu'un élève moyen augmente ses chances en choisissant une autre spécialité. Comme les élèves sont en général bien plus au courant de ce genre de choses que les responsables du système éducatif, ils en tirent les conséquences logiques ; les très bons élèves qui n'ont aucun doute sur leurs capacités à obtenir le bac choisissent en grand nombre la spécialité mathématique, les autres vont voir ailleurs, avec ce résultat paradoxal que, bien que plus difficile à obtenir toutes choses égales par ailleurs, la spécialité mathématique a un meilleur taux de réussite que les autres ! Il suffirait bien sûr pour changer cela de demander que les moyennes des diverses épreuves soient les mêmes, ce qui devrait aller de soi.

...la spécialité mathématique a un meilleur taux de réussite au BAC que les autres

Cette demande évidente n'est jamais satisfaite, pour des raisons peu claires ; les enseignants de mathématiques tiennent peut-être à la gloire douteuse d'avoir une discipline plus difficile, donc plus enviable, et les autres sont heureux de récupérer les élèves... On trouvera tous ces résultats détaillés dans la note d'information de la DEPP 05.38, de décembre 2005, portant sur le bac 2003.


Les flux d'entrée en licence de sciences ont été divisés par 2 depuis 1995. On explique cette chute dans la presse, ou dans de multiples rapports dont les premiers ont été soutenus par l'OCDE, par une désaffection pour les sciences. On oublie en général de mentionner que les effectifs de classes préparatoires ont nettement augmenté pendant ce temps, que les IUT n'ont pas connu de baisse notable, et que les diplômes scientifiques à bac+5 (ingénieur, master), avec plus de 4% d'une classe d'âge, se portent fort bien. L'explication par le manque d'attractivité des sciences permet d'éviter de se pencher sur d'autres données, telles que le taux de réussite en licence ; une étude de la DEPP (note 13.02 d'avril 2013) montre que, même sans compter les étudiants qui abandonnent après un an, ils sont particulièrement bas. Pourquoi de bons étudiants se dirigeraient-ils vers des études connues pour avoir un fort taux d'échec, et un faible accompagnement des étudiants ?


Le nombre de candidats au CAPES de mathématiques est tout à fait insuffisant pour permettre de recruter le nombre de postes mis au concours, et la presse s'en est largement fait l'écho. On a moins dit que la situation était pire en lettres classiques, car on effraie moins les gens en leur disant qu'on va manquer de professeurs de latin que de mathématiques, et pas plus brillante dans d'autres domaines, dont l'anglais ; on a préféré mettre l'accent sur le manque d'attractivité des mathématiques. Pourtant, il s'agit là d'un banal désastre de gestion des ressources humaines par des responsables incompétents, résultat prévisible, et d'ailleurs prévu depuis 2010... La seule chose qui distingue les mathématiques et l'anglais d'autres disciplines, c'est que les candidats potentiels à ces deux CAPES peuvent très facilement trouver un emploi ailleurs. Dans ces domaines, des erreurs majeures de politique de recrutement se paient donc immédiatement au prix fort ; rien à voir avec l'attractivité de la discipline.


il faut disposer d'un réservoir de tours propres à rendre vivantes les notions que l'on enseigne.

Elles pourraient l'être plus !

Si les mathématiques sont naturellement attirantes pour une majorité d'élèves, elles sont aussi, on l'a dit plus haut, anxiogènes pour beaucoup. C'est en partie inévitable : à partir du moment où la réussite en mathématiques conditionne en grande partie la réussite scolaire, il est difficile d'éviter cette anxiété ; la plupart des pays développés connaissent ce problème, et particulièrement ceux qui, tels la Corée ou le Japon, ont beaucoup investi dans ce domaine.


Cela dit, l'apprentissage de la lecture est un préalable encore plus important à toute réussite, et elle ne développe pas une telle anxiété chez la plupart des élèves. Le style éducatif doit aussi jouer un rôle : quand on lit qu'un enseignant explique (dans les commentaires d'un site consacré aux maths) qu'il est bon de traumatiser les adolescents avec le formalisme pour les faire progresser en mathématiques, on sent qu'il y a encore des progrès à faire pour rendre les mathématiques plus attractives et moins anxiogènes...


Cela passe par des progrès dans les méthodes d'enseignement, par de meilleurs programmes, et bien sûr par un arrêt de la diminution systématique des heures d'enseignements en mathématiques que nous connaissons depuis 20 ans, et un retour à des horaires raisonnables. Quand on a vu un groupe d'élèves essayer de comprendre pourquoi il est naturel de poser que la somme de toutes les puissances de 2 est égale à -1, ou pourquoi la dimension de la courbe de von Koch est égale à log 4/log 3, on sait qu'un cours de mathématique, quand il est bien fait, peut rivaliser avec un spectacle de prestidigitateur... mais qu'il faut pour cela disposer d'un réservoir de tours propres à intéresser les élèves et à rendre vivantes les notions que l'on enseigne.


Pour en savoir plus...


Vie de Mathématicien : François Sauvageot

francois Que font-les mathématiciens ? François Sauvageot, professeur en classes préparatoires aux grandes écoles, s'exprime sur le sujet à travers une interview que nous lui avons proposée.

  • D'où vient votre passion pour les mathématiques ? Et pourquoi avez-vous décidé d'étudier les mathématiques ?

    Je me suis passionné très tôt pour les maths. Avant même de savoir ce que c'était, en fait. Le monde mathématique est un monde de paix, un monde stable sans turbulences et sans arbitraire. En ce sens il est très sécurisant. Par ailleurs les maths sont un espace de liberté et de créativité que l'on peut parcourir bien avant de savoir lire et écrire. Je crois que mon amour pour les maths s'est développé avec les histoires que je me racontais tout petit.

  • Comment êtes-vous devenu enseignant en classes préparatoires ?

    C'est une longue histoire ! Pour faire court, après avoir préparé des étudiants au CAPES et à l'agrégation, puis être intervenu en IUFM (les anciens ESPE) pour former des profs des écoles, je me suis passionné pour la communication avec le grand public. J'ai beaucoup œuvré pour la fête de la science. Et puis quand ma fille aînée a atteint l'âge d'entrer au collège, nous avons décidé, ma femme et moi, de quitter la région parisienne, ses transports, sa pollution, sa violence. Nous étions tous les deux maîtres de conférences, elle en physico-chimie de l'atmosphère et moi en maths. Quitter la région parisienne a eu un prix assez fort ! Après quelques espoirs liés à des échanges de postes, tous avortés, des mutations, qui n'ont jamais abouti, nous avons décidé de tenter l'aventure : on m'a proposé un CDD au CNRS pour m'occuper de communication en maths. Je devais travailler pour l'ancêtre de l'INSMI et pour un institut de communication du CNRS, l'ISCC. Ma femme, quant à elle, a dû prendre un congé sans solde et espérait faire aboutir une mutation ou trouver un job dans la qualité de l'air. Rien de tout cela n'a abouti et mon CDD ne durait que deux ans. Nous avions alors le choix entre rentrer bredouilles à Paris et récupérer nos postes de maîtres de conférences, ou trouver une autre solution. Ma femme a alors pris sa retraite (on pouvait encore, à l'époque, avec trois enfants et quinze années de service) et j'ai demandé ma réintégration comme prof agrégé. Pour tout dire, j'avais plutôt envisagé de demander à devenir prof des écoles. On m'a alors expliqué que j'étais surqualifié pour le job. Incroyable mais vrai. On avait même des doutes quant à l'idée de me nommer en collège. En même temps le collège est terriblement dur et je n'avais pas une grande envie d'y aller. En fait, la réalité était qu'il était plus facile de me nommer en classe prépa qu'ailleurs car la décision appartenait alors à seulement quelques personnes (à savoir l'inspection générale de maths). J'ai donc postulé en classe prépa et j'ai demandé une classe où les maths ne sont pas la matière de sélection (enfin, pas trop), à savoir BCPST, biologie-chimie-physique-sciences de la terre.

  • La vulgarisation des mathématiques est une partie importante de votre travail. Vous vous êtes engagé dans plusieurs actions pour le grand public, on vous a notamment vu récemment dans le film « Comment j'ai détesté les maths ». Qu'est qui vous plaît dans ce type d'activité ?

    Le contact avec le grand public m'est devenu nécessaire. Comme me l'a appris ma prof de troisième, Michèle Mathiaud, transmettre est un art difficile. Et je le trouve passionnant parce que rien n'est acquis. Mes étudiant(e)s n'ont pas vraiment le choix : le programme me dicte ce que je dois leur transmettre et après il faut bien qu'ils s'y mettent. Bien sûr il m'arrive souvent de digresser, mais fondamentalement c'est un public captif. Rien de tel avec le grand public ! Quand je parle de démocratie, de vote, d'impôts, de camping, d'inondations etc. avec une audience variée, je ne sais jamais à quoi m'attendre : de la sympathie ou au contraire une attitude agressive. Et pourquoi ? Comment réconcilier les gens avec les maths ? Comment faire avec leurs blessures mathématiques ? Et puis cela m'a amené à faire de nombreuses rencontres, au détour d'une conférence, et même parfois dans la rue. Que ce soit des professionnel(le)s ou non, j'ai appris énormément au contact de gens qui sont venus me voir. Et j'espère bien que ça va continuer ainsi encore longtemps ! Au fait, je n'aime pas trop le mot « vulgarisation » ! Ce n'est pas vulgaire du tout ! Je préfère parler de « science populaire », comme on pouvait le dire au XIXème siècle.

  • Quels sont vos projets à venir dans ce domaine ?

    Je collabore au scénario d'un film. Je n'ai pas encore eu de proposition pour intervenir comme acteur dans un nouveau film, mais je crois que ça me plairait bien ! Je suis en train de réfléchir à deux livres. L'un avec des réflexions sur les maths, l'autre pour partager des maths avec le plus grand nombre. Et sinon je continue à faire tourner mon spectacle d'improvisations mathématiques et à donner des conférences. Toute mon actu est sur mon site perso : mathom.fr !

  • Selon vous quelles sont les raisons qui font des mathématiques le sujet le plus difficile et pas toujours aimé parmi les autres sujets scolaires ?

    Le plus difficile, ça dépend pour qui ! Je crois que le fait de sélectionner avec les maths a fait beaucoup de tort à la discipline. C'est d'ailleurs incroyable qu'après l'échec de la réforme des maths modernes, on continue dans cette voie alors même que les profs de maths sont très souvent hostiles à la sélection par les maths. Et pourtant, on n'en fait pas tant que ça. Il n'y a qu'à comparer la série S aux autres. À quand une vraie filière scientifique avec des horaires de sciences, et donc de maths, conséquents ?! À l'école primaire, les maths ne sont pas si détestées. Les opinions sont plus variées. C'est au collège que ça devient difficile. En fait le collège est un moment difficile ! Les programmes sont souvent des freins pour faire des activités plus adaptées au public. Il faudrait pouvoir s'en écarter, voire se dispenser de programme ! Les plus fragiles en maths ont des soucis qui sont souvent bien antérieurs ou ont des difficultés liées à des problèmes extérieurs à la classe, tandis que d'autres ne sont pas assez nourris et s'ennuient après la vingtième répétition du théorème de Pythagore. D'ailleurs faites l'exercice, combien de triangles rectangles avez-vous rencontré en classe et dont les longueurs des côtés ne soient pas multiples de (3, 4, 5) ? Et pourtant les profs de maths font des efforts, et essayent de contenter à la fois les réformes, les parents, les enfants… mais c'est dur, très dur ! Les IREM rendent beaucoup de service en ce regard. Bref, à mon sens, le vrai problème, c'est la note et la sélection.

  • Quel type d'activité pourrait-on proposer pour rendre les mathématiques plus populaires ?

    Vaste question ! Je crois qu'il faut rappeler que c'est une activité humaine ! Il faut donc faire venir des mathématicien(ne)s dans les classes, organiser des sorties, utiliser l'actu pour bâtir des séquences pédagogiques et ne jamais s'interdire de réagir mathématiquement quand c'est possible. En particulier les maths peuvent interagir avec les autres disciplines : histoire, philosophie, éducation civique etc. Plus avant, j'aimerais que l'on valorise plus la recherche et le sens. Pour cela il me semblerait utile de faire appel à qu'on appelle les narrations de recherche. Tout comme en EPS on a appris à ne pas se focaliser sur la performance, il faut apprendre à ne pas restreindre les maths aux résultats. Mais pour cela il faut que les contrats didactiques soient énoncés clairement. Il faudrait aussi que la France comprenne que pour faire évoluer massivement son système éducatif, il faut investir dans la formation continue des profs. Or, celle-ci est essentiellement inexistante. Un terrible paradoxe ! Quant à la popularité auprès du grand public, je ne sais pas. J'essaye des choses, d'autres en essayent d'autres… Je crois de mon côté qu'il faut aller à la rencontre du public en tous les sens du terme : aller le voir, parler sa langue et ne pas croire qu'on en sait plus que lui. La rencontre est avant tout un échange ! Je crois aussi qu'il ne faut pas donner une image froide et inaccessible des maths, comme le font certaines expos. Là encore, la clef est de montrer que c'est une activité humaine et de montrer pourquoi on peut la partager, sans arrogance.

Découvrez l'intégralité de l'interview de François Sauvageot à cette page


Le questionnaire de Proust : Nalini Anantharaman

nalini Nalini Anantharaman est professeur à l'université Paris-Sud depuis 2009. Elle a reçu le prix Gabrielle Sand et Marie Guido Triossi de l'Académie des Sciences 2007, le prix Salem 2010 et le prix Jacques Herbrand de l'académie des sciences 2011. Elle est également l'une des quatre lauréats du prix Henri-Poincaré en 2012 et a reçu la médaille d'argent du CNRS en 2013. Ses travaux portent notamment sur la mécanique quantique (comme l'équation de Schrödinger) et la propagation des ondes.

  • Ma vertu préférée en mathématiques

    L'éclectisme.

  • Le principal trait de mon caractère mathématique

    L'inconstance.

  • La qualité que je préfère chez les mathématiciens

    La générosité.

  • La qualité que je préfère en mathématiques

    La nouveauté.

  • Mon principal défaut comme mathématicienne

    Le dilettantisme.

  • Ma lecture mathématique préférée

    Gödel, Escher, Bach de Douglas Hofstadter.

  • Mon rêve comme mathématicienne / Mon cauchemar comme mathématicienne.

    Faire de la politique / faire de la politique.

  • La faiblesse principale des mathématiques

    Les mathématiciens sont trop honnêtes, parfois c'en est presque idiot.

  • La mathématicienne que je voudrais être

    J'aimerais juste voir pour quelques heures ce que ça fait d'être dans la tête de Terence Tao.

  • Le théorème que je préfère

    Le théorème spectral pour les opérateurs auto-adjoints.

  • L'application des mathématiques que je préfère

    La mécanique quantique.

  • Les mathématiciens qui m'ont orientée

    Albert Fathi, Yves Colin de Verdière, Peter Sarnak.

  • Les mathématiciens qui m'ont dissuadée

    Aucun, je crois. Ah si, mais je ne veux pas en parler ici !

  • Le nom de variable que je préfère

    z, la variable complexe.

  • Le type de calcul que je préfère

    Le principe de prolongement analytique, qui évite justement de faire des calculs !

  • Le type de calcul que j'utilise

    Beaucoup d'analyse de Fourier.

  • Le type de calcul que je trouve le plus ennuyeux

    Tous les calculs explicites m'ennuient : je préfère vraiment les raisonnements qualitatifs, géométriques.

  • Les dénominations mathématiques que je préfère (théorème, corollaire...)

    Théorème, tout bêtement.

  • L'entreprise scientifique que j'estime le plus

    L'invention du système métrique.

  • Le don de la nature que je voudrais avoir.

    Il n'est pas si facile de distinguer entre les dons de la nature et ceux qu'on acquiert par l'éducation et l'entraînement dans les jeunes années. Je voudrais avoir plus d'énergie physique, être plus rapide, musculairement et intellectuellement.

  • Comment j'aimerais qu'on se souvienne de moi comme mathématicienne

    Je ne voudrais pas avoir d'étiquette : « EDPiste », « probabiliste », « dynamicienne ». Si l'on disait que j'ai eu quelques bonnes idées, cela me paraîtrait déjà extraordinaire.

  • L'état présent de mes recherches

    Un carrefour de possibilités.

  • La faute qui m'inspire le plus d'indulgence

    Les erreurs de calcul.

  • Ma devise

    Patience et longueur de temps...

  • Pourquoi la recherche mathématique est-elle masculine ?

    La recherche n'est pas masculine, ce sont les chercheurs qui le sont. Je regrette cette ambiance trop masculine. Les mathématiques ont besoin d'une diversité de points de vue et ne pourraient que s'enrichir d'une plus grande mixité.

  • Les mathématiques appliquées s'étendent-elles à la même vitesse que celle des algorithmes mathématiques ?

    Hmmm… Cette question me fait un peu peur... On dirait que vous parlez d'une épidémie...

  • Dans quelle mesure le travail compte-t-il dans la résolution de problèmes mathématiques ?

    Le travail compte énormément, je ne connais personne qui fasse des mathématiques sans travailler.

  • Dans quelle mesure le formalisme compte-t-il ?

    Le formalisme est la langue dans laquelle s'expriment les idées mathématiques.

  • Mathématiques et grammaire sont-elles liées ?

    Quand j'apprends des langues étrangères j'ai un grand intérêt pour la grammaire. Mais comme dans une langue, les questions de syntaxe ne sont qu'une toute petite partie de l'univers mathématique.

  • Parlez-vous "mathématique" correctement ?

    Oui, mais probablement avec un accent.

  • À quel point faut-il être douée pour réussir en mathématique ? Pour quoi faut-il avoir moins de trente ans ?

    Actuellement je dirais que la réussite en mathématiques est plus conditionnée par des facteurs sociologiques que par un don inné. Et c'est plus une question de goût que de don. Avoir moins de trente ans ? Probablement pour avoir l'inconscience de se lancer dans des études de maths.

  • Êtes-vous douée ? Depuis quand ?

    Je ne dois pas être douée car je ne comprends pas la question.


Alphabet : E comme exponentielle

Des élevages de lapins... aux comptes bancaires : l'exponentielle ne concerne pas seulement les célèbres « croissances », mais elle nous réserve bien d'autres applications et d'autres surprises...


exp Généralement l'exponentielle (et sa réciproque : le logarithme) est considérée comme un objet « difficile », à éviter si possible. Sauf quand on parle de « croissance exponentielle ». Partons de ce point.


Imaginons que l'on veuille contrôler la croissance d'une population, par exemple, de lapins. Nous voulons savoir, année par année (ou mois par mois), combien de lapins nous avons, mais ce qui nous intéresse le plus est de savoir la variation du nombre de lapins d'une année à la suivante (donc la différence du nombre de lapins entre 2009 et 2010, par exemple).


Un modèle prédictif qui nous donne combien de lapins nous avons doit indiquer combien vaut cette augmentation. Un premier modèle très simple pourrait, par exemple, affirmer que la variation est constante : chaque année nous produisons 10 lapins de plus. La croissance, alors, sera facilement calculable : 10 lapins par année, donc la deuxième année nous aurons 10 lapins de plus que ceux que nous avions initialement, la troisième année 20 lapins de plus, et ainsi de suite. La croissance est donc linéaire (sur un graphe année/nombre de lapins) et le graphique qui représente cette situation est une droite.


Néanmoins, ce modèle n'est pas si convaincant, parce qu'en réalité plus il y a de lapins, plus il en naît. Donc si 10 est le nombre de lapins produits par un couple de lapins chaque année, chaque année nous aurons une augmentation de 10 lapins multiplié par le nombre de couples. Ainsi, plus nous avons de couples, plus notre production annuelle augmente ! Le cadre déterminé par ce nouveau modèle est justement celui d'une croissance exponentielle, donc quelque chose du type 10 puissance n : 10 fois 10 fois 10 fois 10..., et ceci, autant de fois qu'il y a d'années passées.


Nous trouvons le même type de mécanisme pour les comptes bancaires. Tous les ans la banque donne un "bonus", lié au fait que nous y avons déposé notre argent, et qui est proportionnel au dépôt. Ce qui est indiqué n'est pas la variation absolue du compte en un an, mais le "taux d'intérêt", c'est à dire le rapport entre la variation absolue et la valeur du dépôt. Ce système correspond exactement au modèle de croissance exponentielle de lapins. On se demande donc pourquoi nous ne voyons pas une énorme augmentation de notre compte bancaire... La réponse peut s'obtenir en raisonnant comme pour les lapins : 1 fois 1 fois 1 fois 1... et ce, autant de fois qu'il y a d'années passées, donne toujours 1. Donc à la fin, nous obtenons toujours le dépôt initial ! En réalité, dans le calcul il faut remplacer 1 par un nombre légèrement plus grand, mais essentiellement ceci ne change pas grand chose (la croissance n'est pas aussi rapide que nous le voudrions !)...


En mathématiques, pour des raisons trop longues à expliquer en quelques mots, on s'intéresse particulièrement à l'exponentielle qui a pour base le nombre de Néper, qui est noté "e". Il nous intéresse, par exemple, de savoir combien vaut e fois e fois e fois e... Il s'agit d'un nombre qui intervient dans plusieurs situations et qui donc a une forte popularité dans la communauté. Le nombre e, comme π (pi grec), est un nombre irrationnel, c'est-à-dire que ses décimales n'ont aucune forme de périodicité.


Ce qu'une exponentielle fait, le logarithme le défait

Parlons, pour conclure, d'un autre point douloureux : le logarithme. D'où sort-il ? Si nous savons additionner, très vite nous aurons aussi envie de soustraire. Et si nous savons multiplier, de diviser. La soustraction et la division sont les opérations réciproques de l'addition et de la multiplication. En pratique, si additionner et multiplier nous donnent une certaine valeur, pour revenir aux valeurs initiales il faut soustraire et diviser. De la même façon, le logarithme est l'opération réciproque de l'exponentielle, et donc pour résoudre des problèmes avec des exponentielles son utilisation est indispensable. Ce qu'une exponentielle fait, le logarithme le défait. Pratique, non ?


Traduit à partir de la version originale en italien de Corrado Mascia avec l'autorisation de l'auteur.


Les données de transport aérien aident à combattre les pandémies

pandemie Une recherche menée à l'Université Northwestern (États-Unis) a conduit à une nouvelle théorie utile pour comprendre la propagation mondiale des épidémies. L'étude pourrait non seulement aider à identifier l'origine d'une épidémie, mais pourrait également améliorer de manière significative la capacité de prédire les chemins à travers lesquels une maladie se propage.


« Avec cette nouvelle théorie, nous pouvons reconstruire l'origine d'une épidémie avec plus de précision, calculer sa vitesse de diffusion et prévoir quand un front d’épidémie arrivera à n'importe quel endroit sur la planète », dit le physicien Dirk Brockmann, qui a participé à cette étude alors qu’il travaillait à l'Institut des Systèmes Complexes de Northwestern (NICO), « cela pourrait aider à améliorer les possibles stratégies d'intervention ». Brockmann, actuellement professeur à l'université Humboldt de Berlin, a collaboré avec un collègue Dirk Helbing, professeur à l'ETH de Zurich, pour développer la théorie. Cette recherche a été publiée dans la revue Science.


La nouvelle approche de Brockmann et Helbing pour comprendre la dynamique des maladies mondiales est basée sur la notion intuitive que, dans notre monde hautement connecté, les distances géographiques conventionnelles ne sont plus la variable principale mais elles doivent être remplacées par les « distances effectives ». « Du point de vue de Francfort (en Allemagne), d'autres aires métropolitaines comme Londres, New York ou Tokyo ne sont en effet pas plus éloignées que certaines villes allemandes géographiquement proches comme Brême, Leipzig et Kiel », a déclaré Brockmann.


Où est apparue la nouvelle maladie ?
Où doit-on s'attendre à de nouveaux cas ?
Quand devons-nous les attendre ?
Et combien de personnes contracteront la maladie ?

Lorsqu'un virus inconnu apparaît dans divers endroits dans le monde, les scientifiques sont appelés à répondre aux questions suivantes : Où est apparue la nouvelle maladie ? Où doit-on s'attendre à de nouveaux cas ? Quand devons-nous les attendre ? Et combien de personnes contracteront la maladie ?  Afin de contenir la propagation - et les conséquences potentiellement dévastatrices - une évaluation rapide est essentielle pour l'élaboration de stratégies efficaces de confinement. Des simulations informatiques très sophistiquées, qui tentent de prédire l'évolution probable de l'épidémie dans le temps et son processus de diffusion, sont des outils importants pour prédire différents scénarios. Ces simulations informatiques, cependant, nécessitent une instrumentation puissante et de longues périodes d’exécution ; de plus, elles nécessitent la connaissance des paramètres spécifiques de chaque maladie, qui ne sont généralement pas connus pour les nouvelles maladies infectieuses.


Dans leur travail, les chercheurs montrent que les distances effectives peuvent être calculées à partir de l'intensité du trafic dans le réseau mondial de transport aérien. « Si le flux des passagers d'un point A à un point B est grande, la distance effective est petite et réciproquement », a déclaré Helbing. « La seule chose que nous avons dû faire, c’est trouver la formule mathématique correcte pour la décrire ». Avec ce genre de cadre mathématique, Brockmann et Helbing ont pu voir la répartition géographique des maladies passées, comme le SRAS en 2003, ou la grippe H1N1 en 2009. Des modèles dynamiques, auparavant complexes et sans structure évidente, se sont transformés en modèles de vagues simples, concentriques et réguliers, ce qui peut être mathématiquement capturé avec facilité. « Dans l'avenir, nous espérons que notre approche puisse améliorer sensiblement les meilleurs modèles existants à l'heure actuelle pour la diffusion de la maladie », a déclaré Brockmann. « Nous croyons que notre théorie nous aidera également à mieux comprendre d'autres importants phénomènes de contagion, comme la propagation de virus informatiques, de l'information et des tendances, ou contagion dans les réseaux sociaux », a conclu Helbing .


Combien existe-t-il de façons de nouer une cravate ?

Le nœud double, le nœud Windsor, le nœud Pratt, ou d'autres encore ? Si chaque matin dans le miroir vous vous demandez de combien de manières on peut nouer une cravate, peut-être serez-vous surpris de savoir qu'il y en a exactement 177 147.


cravates Jusqu'à récemment, on pensait que le nombre maximum de façons de nouer une cravate était de 85. Ce chiffre, déjà élevé, avait été déterminé par une étude réalisée par deux chercheurs de l'Université de Cambridge, Thomas Fink et Yong Mao. Aujourd'hui, cependant, grâce à une nouvelle étude menée par un groupe de scientifiques suédois, il a été démontré que ce nombre est bien supérieur à 85. En effet, les chercheurs suédois ont démontré que nous pouvons faire un parfait nœud de cravate de 177 147 manières différentes.


La recherche a été menée par des mathématiciens de l'Institut Royal de Technologie de Stockholm, en Suède. Le chef de l'étude, le mathématicien Mikael Vejdemo-Johansson, a décidé de lancer ce projet juste après la lecture du travail de Fink et Mao. Selon Vejdemo-Johansson, les deux chercheurs de l'université anglaise n'avaient pas inclus dans leur travail les nœuds plus élaborés. Fink et Mao avaient basé leur étude sur la théorie des langages formels, dans lesquels ils avaient traduite en symboles appropriés la suite de plis de la cravate. Le nombre de nœuds de cravate possibles était réduit car ils supposaient qu’on ne pouvait faire rentrer la cravate qu'une seule fois dans un nœud, et que toutes les combinaisons admissibles étaient celles où le reste de la cravate recouvrait le nœud.


À partir de ces considérations, l'équipe suédoise, en gardant la description symbolique des différentes étapes du pliage de cravate, a développé des hypothèses différentes en considérant que la pointe de la cravate pouvait être rentrée plusieurs fois dans des nœuds au cours du pliage. Le résultat obtenu montre qu'il y a 177 147 façons de nouer une cravate... donc chaque matin vous n'avez que l'embarras du choix ! Si vous souhaitez mettre à l’épreuve votre habileté, vous pouvez essayer de refaire les nœuds proposés par le générateur !



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