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Newsletter #2 - Mai 2013

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MaddMaths
Edito

Déjà le numéro 2 de la lettre MaddMaths ! Vous avez été nombreux à apprécier la première lettre, voyons ce qu'il pourrait en être du numéro 2. Numéro 2... Réfléchissons-y justement ! Le nombre 2 est un nombre qui apparaît partout dans les mathématiques, en particulier pour ses puissances : on multiplie 2 par lui-même  on multiplie le résultat par 2, puis encore par 2 : nous obtenons ainsi toutes les puissances de 2 : 2, 4, 8, 16, 32...

Peut-être connaissez-vous l'histoire de Sissa, l'homme qui inventa le jeu d'échecs ? Le roi indien, pour le récompenser, accepta de déposer un grain de riz sur la première case, 2 sur la deuxième, 4 sur la suivante et ainsi de suite jusqu'à la 64e case, et d'offrir le tout à son vassal. Il ne se doutait pas qu'il était en train de ruiner son pays, en lui offrant bien plus que la totalité de la récolte de l'année !

En arithmétique, les puissances de 2 ont récemment permis de calculer le plus grand nombre premier jamais connu  un des articles de cette lettre vous expliquera le détail de cette découverte.

C'est aussi en informatique que les puissances de 2 permettent de quantifier les capacités de stockage et de calcul : comme la mémoire d'un ordinateur est divisée en octets (8=23 cases où dans chacune on peut mettre un 0 ou un 1), on compte la taille d'un fichier ou la capacité de stockage d'un disque dur en octets, kilooctets, Mégaoctets, Giga, Tera et même désormais Exaoctets, soit 260, un milliard de milliards, d'octets soit le nombre de grains de riz sur la 61e case de l'échiquier de Sissa. L'évolution des ordinateurs elle-même suit une telle croissance exponentielle : on observe que la puissance des ordinateurs double tous les 18 mois (c'est la loi de Moore). Le volume des données augmente encore beaucoup plus vite, et cela nécessite de nouvelles recherches en algorithmique et statistique et de fructueux allers-retours entre recherches théoriques et applications.


À vous maintenant : si chacun de vous ramène un nouvel inscrit, le nombre de fans de la lettre MaddMaths augmentera aussi en puissance de 2 ! Si vous êtes enseignants, envoyez-nous la liste des emails de vos élèves intéressés (maddmaths-contact@smai.emath.fr), et alors nous pourrons même faire encore mieux qu'une croissance en puissance de 2 ! Nous vous souhaitons une bonne lecture et n'hésitez pas à transmettre ce message !


L'équipe de rédaction de la lettre MADD Maths.



Quand les mathématiques traquent les tourbillons océaniques

2013 est l'année des mathématiques de la planète Terre : c'est l'occasion de proposer aux mathématiciens de nouveaux défis liés aux géosciences. En voici un exemple tiré de communications de Laure Saint-Raymond.


ocean

La circulation des courants marins vue par satellite. NASA/Goddard Space Flight Center


La circulation océanique joue un rôle fondamental pour la vie marine et certaines activités humaines comme la navigation et la pêche. Pour décrire la façon dont les masses d'eau des océans se déplacent, il faut prendre en compte de multiples facteurs comme la rotation de la Terre, les courants à très grande échelle, ainsi que les petites fluctuations provoquées par le vent. Parmi les phénomènes remarquables, certains tourbillons (aussi appelés vortex océaniques) s'étendent sur plusieurs dizaines de kilomètres et peuvent abriter des écosystèmes particulièrement intéressants. Comprendre qualitativement l'existence de ces tourbillons est un défi pour les mathématiciens.

 Comprendre l'existence des tourbillons, un défi pour les mathématiciens  

En négligeant les effets dus aux variations de densité, de température et de salinité de l'eau, ainsi que les variations verticales de la circulation (la profondeur des océans étant très faible comparée à leur étendue horizontale), les seules inconnues du problème sont la vitesse locale (une quantité à deux dimensions) et la hauteur d'eau. Connaissant de plus les grands courants marins au niveau de la planète, on peut supposer que ces inconnues (vitesse et hauteur d'eau) sont elles-mêmes de petites fluctuations autour de leur valeurs moyennes. Leur évolution au cours du temps est alors régie par un système d'équations aux dérivées partielles relativement simple, traduisant d'une part la conservation de la quantité d'eau, et d'autre part l'accélération des masses d'eau par la pression hydrostatique, la friction avec le vent et la rotation de la Terre (force de Coriolis). Il est possible de le résoudre au moins de façon approchée, en superposant des solutions particulières, appelées ondes. Les résultats obtenus sont cependant beaucoup trop complexes, en raison du nombre important de paramètres, pour permettre une visualisation rapide de la géométrie des écoulements.

Sept problèmes à un million de dollars


L'idée est alors d'introduire un filtre, car il est inutile d'avoir une résolution très fine pour obtenir une image nette à l'échelle des tourbillons. Une difficulté majeure provient du fait que les différentes ondes créées par le vent ont des comportements très variés et ne peuvent pas être analysées par le même filtre. Un travail en collaboration avec C. Cheverry (Rennes), I. Gallagher et T. Paul (Paris) a permis d'obtenir un bon outil dit de polarisation, qui permet de prédire de façon systématique la localisation des vortex. Il reste maintenant à en tester la robustesse, pour savoir s'il peut apporter une réponse satisfaisante pour des modèles plus réalistes, prenant en compte par exemple la topographie des fonds sous-marins et les mouvements verticaux en résultant, les flux liés aux différences de température, voire les interactions entre l'air et la mer. La question est donc loin d'être close !


Notons que certains problèmes de mathématiques liés à la mécanique des fluides (que ce soit pour l'océanographie, la météorologie ou pour les problèmes de combustion) sont réputés particulièrement difficiles : en effet, l'existence de solutions régulières uniques pour les équations de Navier-Stokes des fluides incompressibles est l'un des sept problèmes à un million de dollars proposés par la fondation Clay (et selon certains mathématiciens « résoudre ces défis est sans doute l'une des façons les plus difficiles de devenir millionnaire »).
Sur ce sujet, une bande dessinée accessible à tous vient de sortir et présente cette « équation du millénaire ».


Pour en savoir plus, un article dans Images des Mathématiques.


melina Laure Saint-Raymond, professeur à l'École Normale Supérieure de Paris, prix Irène Joliot-Curie 2011 de la « jeune scientifique de l'année », prix EMS 2008 des « meilleurs jeunes mathématiciens de moins de 35 ans ». Elle a également contribué à la résolution d'autres problèmes d'analyse asymptotique comme le sixième problème de Hilbert, pour obtenir les équations de la mécanique des fluides à partir de l'équation de Boltzmann comme elle l'explique dans sa présentation dans le cadre du cycle « un texte, un mathématicien » en 2010.


Vie de mathématicienne (Mélina Bec)

Que font-les mathématiciens ? Mélina Bec s'exprime sur le sujet à travers une interview que nous lui avons proposée. Elle est consultante statisticienne dans un cabinet de conseil spécialiste du traitement de l'information.


melina
  • D'où vient votre passion pour les mathématiques ? Et pourquoi avez-vous décidé d'étudier les mathématiques ?

    Mon goût pour les mathématiques est ancien. Déjà petite, c'était ma matière préférée. J'aimais réfléchir à la résolution de problèmes et surtout j'aimais la satisfaction procurée par l'aboutissement de la réflexion. Les mathématiques sont ensuite apparues pour moi comme une façon de penser, à la manière d'un courant philosophique. Je me sentais à l'aise et ne m'ennuyais jamais. Je suis entrée à l'université en mathématiques fondamentales par passion et curiosité.

  • Est-ce que vous pouvez nous parler de votre parcours scolaire/universitaire ?

    À la suite de mon bac S, j'ai intégré l'université de Bordeaux 1 en licence de mathématiques pures. J'ai obtenu ma licence en 3 ans puis je suis allée faire un master de mathématiques appliquées à l'université Paris Descartes.

  • Et après l'Université ? Est-ce que vous vouliez continuer votre carrière dans l'université ?

    J'ai choisi la filière « recherche » lors de mes études supérieures en master 2. Je souhaitais connaître le monde académique, la recherche universitaire et appartenir à un laboratoire dans lequel j'aurais pu étudier les sujets qui m'intéressent.

  • Selon vous quelles sont les raisons qui font des mathématiques le sujet le plus difficile et « détesté » parmi les autres sujets scolaires ?

    Vaste question ! Depuis l'école primaire déjà les enfants voient les mathématiques comme une angoisse. Il faut « résoudre », trouver une solution. Et puis les mathématiques sont comme un baromètre de l'échec scolaire. Je pense qu'il faudrait « dédiaboliser » cette discipline et tenter d'amener les jeunes femmes de plus en plus vers les sphères des mathématiques. Autre débat ?

  • Comment êtes-vous entrée dans le monde industriel ?

    Aujourd'hui consultante dans un cabinet de conseil spécialiste du traitement de l'information (composé essentiellement de statisticiens), je suis amenée à travailler dans différents domaines : la banque, la santé, l'énergie, l'automobile, divers ministères, le luxe... Je suis envoyée en « mission » chez mes différents clients pour répondre à une problématique précise à laquelle leurs services internes ne savent pas répondre seuls.

  • Qu'est-ce qui vous a poussée à travailler dans le domaine de la statistique ?

    Après mes études, je voulais travailler en lien étroit avec les mathématiques mais avoir de réelles opportunités d'évolution dans le privé. Je me suis renseignée sur les profils recherchés dans les entreprises, sur ce qui me permettrait de gagner correctement ma vie en faisant des tâches intéressantes au quotidien. Les statistiques répondent à ces attentes.

  • Pourquoi avez-vous choisi ce secteur ?

    Le conseil est un excellent moyen de commencer une carrière professionnelle en tant que statisticien-ne. Au sein même du cabinet il y a la possibilité d'être encadré tout étant en autonome, et de se tenir au courant des avancées scientifiques. C'est aussi un excellent moyen de choisir le domaine d'application pour lequel on a le plus d'appétence.

  • Que faites-vous actuellement (plus en détails) ?

    En tant que consultante statisticienne, je choisis, j'adapte et applique des approches issues de domaines variés de la statistique et de l'intelligence artificielle pour extraire la valeur de la donnée que je manipule. Je compare différents modèles ou méthodes de calcul, j'en anticipe les avantages et les inconvénients et je les exploite en connaissance de cause dans un environnement métier.

  • Quelle est l'importance des mathématiques dans votre métier ?

    Les mathématiques sont au coeur de mon quotidien, par le biais de la mise en place de modélisations diverses, par mes lectures de « veille » et grâce aux séminaires auxquels nous assistons ou que nous réalisons. Le plus souvent les entreprises dans lesquelles nous nous rendons ne possèdent pas de statisticiens, et c'est à nous de construire l'environnement autour de la donnée, et de mettre en place toutes les modélisations mathématiques qui répondront aux problématiques.

  • Pouvez-vous décrire un projet dans lequel les mathématiques ont joué un rôle important ?

    Pour Sephora : assistance au département Connaissance Clients, pour la mise en place de modèles analytiques de mesure de la valeur et de ciblage des clients de la marque.
    Pour Air France : élaboration de modèles statistiques et mise en place de scénarios visant à simuler les impacts financiers de nouvelles règles de gestion du programme de fidélité Flying Blue.

  • Est-ce que vous êtes satisfaite de «l'application» de votre connaissance des mathématiques ?

    Tout à fait satisfaite. Et je conseille aux étudiants de commencer à appliquer les mathématiques assez rapidement dans leur cursus.

  • Changeriez-vous quelque chose dans votre vie comme mathématicienne ? Quels sont vos projets pour l'avenir ?

    Mon projet serait de m'orienter vers un aspect plus « stratégie ». Les analyses doivent alors être menées dans une logique d'efficacité et de rentabilité, il faut être force de proposition sur les tactiques à adopter. Il est alors important d'avoir une vision globale et les yeux ouverts sur les enjeux Business des travaux statistiques.

  • Y a-t-il des débouchés après des études en statistique aujourd'hui ? Quels sont-ils ?

    Aujourd'hui les métiers qui gravitent autour de la statistique sont en plein essor. Les statisticiens sont des profils recherchés dans tous les domaines et apportent des compétences que seuls eux connaissent. Avec l'expansion des données textuelles et la volumétrie toujours grandissante des données, le statisticien aura à résoudre de nombreux défis dans les années à venir.

  • Que conseilleriez-vous aux mathématiciens qui veulent entrer dans le domaine économique ?

    Je leur conseillerais de s'intéresser à l'économie assez rapidement, de lire sur le sujet ou de suivre des cours d'économétrie, très utilisée chaque jour dans le monde du travail. Cela permet d'avoir une autre vision des mathématiques, fondée sur de nombreuses hypothèses mais ayant un vrai intérêt applicatif dans la vie du statisticien de tous les jours.


L'alphabet : B comme Brachistochrone.

En l'an mil six cent quatre vingt seize, « Moi, Johann Bernoulli, je me tourne vers les plus grands mathématiciens du monde. Il n'y a rien de plus stimulant qu'un problème difficile, dont la solution offre gloire et renommée durable. Pour cette raison, je propose aux mathématiciens les plus brillants de notre temps un problème qui mettra à rude épreuve leurs méthodes et la force de leur intellect... Je déclarerai publiquement digne de louanges celui qui me communiquera la solution du problème suivant : pour un point de départ A et un point d'arrivée B fixés, quelle est la courbe allant de A à B qui rend minimum le temps de parcours d'une masse contrainte à se déplacer le long d'une telle courbe, soumise à la seule force de gravité ? »


bernoulli Ce problème a l'apparence d'un casse-tête purement intellectuel, digne des jeux mathématiques de haut niveau, mais trouver la forme de la brachistochrone (« temps minimal » en grec) est bien plus que cela. Non que sa résolution soit impossible (plusieurs grands scientifiques de l'époque, parmi lesquels Newton, Leibniz, Jakob Bernoulli, le frère rival de Johann, répondirent à l'appel en peu de temps), mais il s'agit d'un prototype si instructif qu'il est considéré comme l'ancêtre d'une descendance sans fin : les problèmes de minimisation en dimension infinie. Un problème « culte ».

Imaginez que vous puissiez créer le profil d'une montagne, modelant la pente en chaque point à votre convenance, comme si c'était de l'argile. Imaginez ensuite qu'on vous demande de réaliser cette pente de telle sorte qu'un corps soumis seulement à la force de gravité, comme par exemple un enfant sur sa luge, mette le temps minimal pour arriver du sommet à la base. Quel profil choisir ? La forme d'un couloir ne va pas (comme Galilée l'avait déjà fait remarquer). La brachistochrone n'a pas un profil avec une pente constante, mais variable : il faut que la descente soit raide au départ, de telle sorte que la luge acquière l'accélération la plus grande. Si on veut déterminer « de combien » la pente doit être plus ou moins raide, le problème devient prenant, si prenant qu'Isaac Newton passa plus d'une nuit sans dormir pour résoudre la question.

brachistochrone La réponse est que la brachistochrone suit la forme d'une cycloïde : le dessin effectué par la valve d'une roue de bicyclette en mouvement (ce qui ne veut pas dire que la bicyclette est plus rapide que la luge !). Savoir que la brachistochrone est un arc de cycloïde ne nous avance pas beaucoup. Même la récompense d'une déclaration publique et les louanges promises par Bernoulli ne sont pas particulièrement irrésistibles. Ce qui est vraiment frappant, en revanche, est l'étincelle initiée par la méthode de résolution du problème (et en particulier celle proposée par Jakob Bernoulli) qui a conduit à la naissance et au développement du calcul des variations grâce aux réflexions de génies du niveau d'Euler ou de Lagrange. L'idée principale, à vrai dire, n'est pas inaccessible ; c'est la technique mathématique et sa mise en oeuvre qui demandent de la patience, de l'expérience et de la compétence.

À chaque chemin reliant le point de départ à celui d'arrivée, correspond un temps de parcours ; concrètement, une sorte de boîte noire, qui prend en entrée une forme de pente et lui associe en sortie une durée de descente. Ainsi, on peut évaluer les variations de la sortie en réponse à de petites modifications de l'entrée, comme l'insertion d'une petite côte ou d'un dos-d'âne imperceptible. La configuration qui réalise le minimum requis est telle qu'une variation quelconque détermine une augmentation de temps correspondante. Et tout ceci, écrit avec les ornements et les sophistications des mathématiques, détermine la relation satisfaite par le profil cherché, appelée relation d'Euler-Lagrange. L'équation ne se présente jamais comme on aimerait qu'elle soit, c'est-à-dire comme une réponse claire ; il faut la décrypter, un peu comme on résout un anagramme, pour arriver à la fin à déterminer la forme de la courbe de temps minimal. Et là aussi, il faut la compétence du spécialiste pour mener à bien le travail et voir apparaître, de manière vaguement mystérieuse, la rotation d'une chambre à air de bicyclette.

L'équation ne se présente jamais comme on aimerait qu'elle soit

Une fois que l'on a classé l'affaire de la brachistochrone, il ne reste plus qu'à utiliser la même stratégie pour affronter et résoudre une quantité d'autres problèmes pour lesquels on cherche une configuration qui minimise une quantité adéquate : en géométrie, lorsque l'on cherche à minimiser les distances, en optique géométrique où, selon Fermat, les rayons lumineux choisissent des parcours de temps minimal ou en aérodynamique, où l'on cherche des formes qui réduisent le plus possible la résistance à l'air des moyens de transport (automobiles, avions...). On est en bonne compagnie... Dans les grandes lignes, le problème de la brachistochrone est un exemple d'avant-garde des ingrédients indispensables pour le secteur Recherche et Développement : un bon problème, quelques cerveaux aiguisés, de la ressource et, plus que tout, du temps à disposition. Car n'importe quelle bonne idée, pour se développer, a besoin de temps, éventuellement minimal, mais de temps.


Traduit à partir de la version originale en italien de Corrado Mascia avec l'autorisation de l'auteur.


Découverte d'un nouveau nombre premier.

Un nombre premier est un entier naturel qui admet exactement deux diviseurs distincts entiers et positifs, qui sont 1 et lui-même.


numbers Récemment a été identifié par Curtis Cooper, de l'Université de Central Missouri, le plus grand nombre premier jamais calculé. Le nombre découvert appartient à la famille des nombres premiers de Mersenne, c'est-à-dire que c'est un nombre premier pouvant s'écrire sous la forme 2p-1 avec p lui-même entier premier. Ce nouveau nombre est précisément égal à 2 puissance 57 885 161, auquel est ensuite soustrait 1, ce qui fait un nombre de 17 425 170 chiffres. Le précédent avait été découvert en 2009 et avait 12 978 189 chiffres.

Le mathématicien qui a découvert le nouveau nombre premier record fait partie du Great Internet Mersenne Prime Search (GIMPS), un projet de calcul partagé où les volontaires utilisent un logiciel client pour chercher les nombres premiers de Mersenne.

« Ce n'est pas encore prouvé, mais il est très probable que les nombres premiers de Mersenne soient en nombre infini. Grâce à sa forme particulière 2p-1, il est relativement facile de tester si un tel nombre est premier ou pas, et donc, depuis l'époque d'Euler, le plus grand nombre premier connu a été toujours un nombre premier de Mersenne », affirme René Schoof, mathématicien de l'Université Tor Vergata de Rome.

La connaissance des nombres premiers de plus en plus grands est très importante pour certains mécanismes de sécurité, comme par exemple l'algorithme RSA, un algorithme de cryptographie très utilisé dans le commerce électronique et dans l'échange de données confidentielles sur Internet.


Pour en savoir plus sur l'utilisation des nombres premiers en cryptographie, un article dans Images des Mathématiques.


Le questionnaire de Proust : José Antonio Carrillo

joseJosé Antonio Carrillo est professeur à l'Imperial College of London, il était précédemment chercheur à l'Institució Catalana de Recerca i Estudis Avançats (ICREA) et à l'Universitat Autònoma de Barcelona (UAB). Depuis 2003, il s'intéresse aux Équations aux Dérivées Partielles, plus particulièrement aux aspects analytiques et numériques des équations cinétiques et à diffusion non-linéaire et des leurs applications, comme le transport de particules chargées dans les semi-conducteurs, le comportement collectif d'individus et la chemiotaxis. Il a beaucoup de collaborations internationales.





  • Le principal trait de mon caractère mathématique.

    La pensée "orthogonale", la curiosité et la constance.

  • La qualité que je cherche chez les mathématicien-ne-s.

    L'amour pour la recherche et l'originalité.

  • La qualité que je préfère dans les mathématiques.

    Être le langage dans lequel la science est écrite.

  • Ce que j'apprécie le plus chez mes collègues mathématiciens.

    La prospective globale et confiante dans les mathématiques, sans préjugé ou parti pris.

  • Mon principal défaut comme mathématicien.

    Être très enthousiaste et me consacrer à beaucoup de choses différentes.

  • Mon rêve comme mathématicien / Mon cauchemar comme mathématicien.

    Que mes doctorants me disent dans le futur que je leur ai appris quelque chose d'intéressant / Que mes doctorants me disent que je n'étais pas capable de leur transmettre l'amour pour la recherche scientifique.

  • La faiblesse majeure des mathématiques.

    Elles en ont une ? Probablement les mathématicien-ne-s devraient être plus attentifs aux problèmes concrets des autres sciences, aux technologies et aux applications potentielles de la vie réelle.

  • Le mathématicien que j'aurais voulu être.

    Euler. Je trouve son héritage en mathématiques appliquées impressionnant.

  • Le pays où je voudrais vivre.

    Pour un mathématicien de profession, la Terre entière est un parc d'attractions... mais Hawaii est un joli endroit :-)

  • L'exercice mathématique que je préfère.

    Je trouve toujours très belles les démonstrations des limites avec epsilon-delta, continuité et dérivabilité. Elles me rajeunissent.

  • Le théorème que j'aime.

    Dans l'enseignement : les formules de représentation pour les solutions des équations aux dérivées partielles non-linéaires, leurs démonstrations sont tellement fines... Dans la recherche, le dernier théorème que j'ai produit, clairement :-)

  • L'application des mathématiques que je préfère.

    Plusieurs : sciences des matériaux, semi-conducteurs, et beaucoup d'applications en biologie : chemiotaxis, motilité cellulaire, essaims...

  • Le type de calcul que je préfère.

    Celui du vendredi après-midi qui continue à être vrai le lundi matin.

  • Le type de calcul que j'utilise le plus.

    Le calcul différentiel.

  • Le type de calcul qui m'ennuie le plus.

    Le calcul algébrique sans aucune intuition.

  • Les noms que je préfère (théorème, corollaire, lemme...)

    Corollaire, parce que généralement cela veut dire qu'on a fait un beau théorème avec des conséquences et, plus important encore, cela veut dire qu'on est arrivé jusqu'à ce point...

  • Ce que je déteste le plus.

    Dans mon travail, la stupidité de la bureaucratie et les rapports sur les projets.

  • Les mathématiciens que je dénigre le plus.

    Ceux qui ne participent pas au développement de la science, mais qui perdent du temps en discutant seulement de leurs petites affaires personnelles.

  • L'avancée scientifique que j'admire le plus.

    L'invention de l'ordinateur.

  • La réforme culturelle que j'apprécie le plus.

    Hmmmmmm, je pourrais dire qu'internet a permis une énorme réforme culturelle dans notre monde... Je ne sais pas si je peux l'admirer dans sa totalité, mais elle est certainement en train de changer nos vies.

  • Le don de la nature que je voudrais avoir.

    Être plus grand et plus athlétique pour jouer dans les Lakers.

  • Comment j'aimerais qu'on se souvienne de moi comme mathématicien.

    Comme d'un bon mentor et/ou un mathématicien original.

  • L'état actuel de mes études.

    Passionné par mon dernier projet. Comme toujours.

  • La faute qui m'inspire le plus d'indulgence.

    Celle qui dérive d'un travail honnête. Un mathématicien qui travaille dur peut faire une faute, à la différence de ceux que ne travaillent pas. Comme on dit : "Il n'y a que ceux qui ne font rien qui ne se trompent jamais".

  • Ma devise.

    "Les mathématiciens ne connaissent pas les races ou les frontières géographiques : pour les mathématiciens, le monde culturel est un seul pays", comme a dit David Hilbert.


Qui mange le plus de pizza ?

Combien de fois partageant une pizza avec un ami, nous avons eu le sentiment d'en avoir mangé moins que l'autre, ou pire... nous avons été accusés d'en avoir mangé plus ? À partir d'aujourd'hui, vous n'avez plus à vous inquiéter : les recherches d'un étudiant américain mettent un terme à ce dilemme insoutenable, montrant lequel des deux est le plus gros "mangeur" du moment !


pizza Les recherches ont été menées par Keyue Gao, un étudiant du département de mathématiques de l'Université de New York, dans le cadre du projet SURE. Le SURE, ou Summer Undergraduate Research Experience programme, est un programme qui permet à nombreux étudiants de faire des courtes expériences de recherche à l'Université de New York pendant l'été. Keyue Gao, grâce à ce projet, a eu l'occasion de connaître le monde de la recherche mathématique, et a été en mesure de se confronter à la résolution d'un problème, sous la direction d'un chercheur confirmé.

Le problème étudié par Gao avait déjà été examiné par d'autres étudiants avant lui. C'est précisément le problème séculaire de la répartition de la pizza entre deux personnes : qui va manger le plus ? Dans l'article publié sur arXiv.org, Gao examine le problème en considérant les deux mangeurs de pizza comme deux joueurs qui veulent s'approprier le plus de morceaux de pizza, préalablement divisée en morceaux qui ne sont pas égaux entre eux. Les autres règles du jeu sont très simples : on ne peut prendre un morceau de pizza que lorsque le précédent a été complètement consommé  une fois que le premier morceau a été pris, on continue en prenant uniquement les parties qui lui sont adjacentes. La dernière hypothèse, malheureusement pas très réaliste, est que les deux joueurs mangent à la même vitesse.

Qui va manger le plus ?

L'étude montre que, dans ces conditions, le joueur qui prend le premier morceau peut toujours manger au moins 2/5 de la pizza. Le problème initial, proposé par Peter Winkler, prévoyait que les deux joueurs pouvaient prendre les morceaux de pizza alternativement, en choisissant toujours l'un de ceux adjacents aux morceaux déjà pris. Dans ce cas, si le nombre de morceaux est pair, le premier joueur mange plus de la moitié de la pizza. Si le nombre de morceaux est impair, la situation se complique considérablement. En fait, dans ce cas, il y a des situations dans lesquelles la première personne, même en commençant par la plus grosse part, ne peut pas manger plus de 4/9 de la pizza. En revanche, dans l'étude menée par Gao, on supprime l'alternance entre les deux joueurs, c'est-à-dire qu'ils peuvent prendre un morceau de pizza dès qu'ils ont fini de manger le précédent. Évidemment, en mangeant à la même vitesse, le temps qu'ils prennent pour finir un morceau est proportionnel à sa taille !

Il vaut mieux laisser choisir le premier morceau !

En conclusion, Gao montre que si la pizza est divisée en quelques morceaux (3 ou 4) la première personne peut très facilement manger plus de la moitié de la pizza. Jusqu'à présent, l'intuition de chacun de nous aurait conduit à la même réponse. Un fait moins évident que démontre l'étudiant est que si le nombre de parts est plus élevé, la première personne est sûre de pouvoir toujours manger au moins 2/5 de la pizza, mais aussi en améliorant au maximum sa performance, elle pourrait ne jamais arriver à manger la moitié de la pizza. Gao, cependant, n'a pas réussi à montrer ce qui est en réalité la fraction maximale de pizza que la première personne peut réussir à manger. Pour cette raison, nous devons attendre au moins l'automne prochain. En attendant, si pendant un dîner nous partageons une pizza avec un ami, il vaut mieux lui laisser choisir le premier morceau !


Quand la magie se sert des maths...

Voici un tour de magie amusant qui vous permettra de surprendre vos amis. Son secret réside dans les propriétés de la suite de Fibonacci. Les deux premiers termes de cette suite sont égaux à 1, puis on obtient chacun des termes suivants en additionnant les deux termes qui le précèdent. On trouve ainsi que le troisième terme vaut 1 + 1 = 2, que le quatrième terme vaut 1 + 2 = 3, et ainsi de suite, ce qui donne :

1, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, 34, 55...


magie Comment procéder ?

Il vous faut de quoi écrire, une feuille comportant dix lignes vides (numérotées verticalement de 1 à 10) et une enveloppe contenant un papier sur lequel est inscrit 1,61 (la réponse à l'une des questions que vous poserez par la suite). Donnez à votre ami la feuille et le stylo, puis demandez-lui de choisir deux nombres entre 1 et 20 et de les inscrire sur les deux premières lignes. Il devra ensuite compléter chacune des lignes suivantes en y indiquant la somme des deux lignes qui la précèdent. Cela signifie qu'il doit mettre sur la troisième ligne la somme des nombres figurant sur les lignes 1 et 2, sur la quatrième ligne la somme des nombres inscrits sur les lignes 2 et 3, et ainsi de suite jusqu'à avoir rempli la dixième ligne (somme des nombres figurant sur les lignes 8 et 9).

Imaginons par exemple que votre ami choisisse les nombres 7 et 3. Il remplirait ensuite la feuille de la manière suivante :

 1)  7
 2)  3
  3)  10
  4)  13
  5)  23
  6)  36
  7)  59
  8)  95
   9)  154
  10)  249


Cette méthode de remplissage (qui s'inspire de la construction de la suite de Fibonacci) n'est pas anodine. En effet, elle a des propriétés particulières très utiles pour réaliser ce tour de magie :
 • la somme des dix lignes est égale au nombre inscrit sur la ligne n°7 multiplié par 11.
 • le quotient de la ligne n°10 par la ligne n°9 (tronqué à la deuxième décimale) vaut 1,61.

Une fois la feuille remplie, demandez tout d'abord à votre ami de calculer la somme de toutes les lignes. Vous pourrez le surprendre en lui donnant très rapidement la réponse, puisque, comme nous venons de le voir, il vous suffit de multiplier le nombre inscrit sur la ligne n°7, que vous pouvez lire directement sur la feuille, par 11 (ce qui peut facilement être fait de tête). Dans notre exemple, la somme de toutes les lignes (7 + 3 +...+ 249 = 649) s'obtient facilement en multipliant 59 par 11.

Annoncez ensuite à votre ami que vous aviez prédit la valeur du quotient de la ligne n°10 par la ligne n°9 avant le début du tour de magie (et donc avant qu'il ne choisisse les deux premiers nombres). Demandez-lui de calculer ce quotient et comparez-le à votre prédiction (qui n'en n'était pas vraiment une grâce à la deuxième propriété évoquée plus haut) se trouvant dans l'enveloppe. Il devrait être étonné de constater que votre prédiction était la bonne (du moins en tronquant à la deuxième décimale). Dans notre exemple, on a 249/154≈1,616883, ce qui correspond bien au papier contenu dans l'enveloppe.

Pour expliquer le pourquoi du comment, nous vous proposons ici une démonstration mathématique de ce tour.


Traduit à partir de la version originale « Leapfrog Addition » en anglais de Francis Su avec l'autorisation de l'auteur.




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