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Newsletter #1 - Février 2013

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MaddMaths
Edito

Voici le 1er numéro de la lettre électronique MADD Maths - Mathématiques Appliquées Divulguées et Didactiques - une initiative de la SMAI en direction du grand public et notamment des lycéen(ne)s qui s'inspire du projet italien du même nom, lancé par la SIMAI en 2009 (voir site web, en italien).


Notre objectif est de montrer que les mathématiques sont un domaine très dynamique, où il y a encore beaucoup de choses à découvrir, qui est très utile, avec des applications parfois inattendues ou amusantes, et donner envie, qui sait, à certain(e)s d'entre vous, de vouloir en savoir plus. Les maths ont parfois un côté mystérieux, notre but est de lever un peu le voile, vous en divulguer quelques secrets. Les maths peuvent sembler quelquefois compliquées, nous essayerons de rester accessibles.


Ce projet est complémentaire de nombreuses initiatives ayant des visées similaires, qui sont notamment recensées par Animath. Nous travaillerons notamment avec nos amis italiens et aussi avec le site Images des Maths. Le rythme des lettres sera d'environ 4 par an.


Nous vous remercions de faire passer ce message auprès de toutes personnes susceptibles d'être interessées et, si vous êtes enseignant, nous vous serions très reconnaissant d'inciter vos élèves à s'abonner. Bien entendu, il vous sera possible à tout moment de se désabonner.


En espérant que cette lettre vous captivera !



L'équipe de rédaction de la lettre MADD Maths.


Faut-il être un génie pour faire des maths ?

Directement du blog de Terence Tao, un des meilleurs mathématiciens de nos jours et Médaille Fields en 2006, une opinion sur un problème qui souvent décourage les gens de faire des mathématiques.


TerenceTao La réponse est non, absolument pas. Apporter des contributions belles et utiles aux mathématiques nécessite de beaucoup travailler, de se spécialiser dans un domaine, d'apprendre des choses dans d'autres domaines, de poser des questions, de parler aux autres mathématiciens, et de réfléchir aux grandes lignes du paysage mathématique considéré. Et oui bien sûr, une intelligence raisonnable, de la patience, de la matûrité sont aussi nécessaires. Mais en aucun cas on aurait besoin de posséder une sorte de gène magique du génie mathématique ou d'autres super-pouvoirs, qui inspireraient spontanément, et à partir de rien, des idées profondes ou des solutions totalement inattendues à des problèmes.

L'image du génie solitaire est complètement à côté de la plaque

L'image d'Epinal du génie solitaire (et sans doute complètement fou) - qui ignore tout de la littérature et des autres connaissances conventionnelles et qui parvient par je ne sais quelle inspiration inexplicable (gonflée sans doute par un brin de souffrance exaltée) à trouver une solution à couper le souffle à un problème qui jusque là déroutait tous les experts - est charmante et romantique, mais elle est complètement à côté de la plaque, du moins dans le monde des mathématiques modernes. Certes, il arrive parfois qu'il y ait des résultats et des idées spectaculaires, profondes et remarquables, bien sûr, mais ils sont arrachés aux années, aux décennies ou même aux siècles de travail régulier et d'avancées de beaucoup de grands mathématiciens : passer d'une étape de compréhension à la suivante peut être hautement non-trivial, et parfois même plutôt inattendu, mais quoi qu'il en soit, cela repose plus sur la fondation de travaux antérieurs que sur du totalement neuf (par exemple c'est le cas pour le travail de Wiles sur le dernier théorème de Fermat , ou celui de Perelman sur la conjecture de Poincaré ). AlbertEEn fait, je trouve que la réalité de la recherche mathématique aujourd'hui - dans laquelle les avancées se font naturellement comme l'aboutissement de dures années de travail, dirigées par l'intuition, la littérature, et un poil de chance - est bien plus satisfaisante que l'idée romantique que j'en avais autrefois étant étudiant en mathématiques, progressant essentiellement grâce aux inspirations mystiques de quelques rares lignées de "génies". Ce "culte du génie", de fait, pose un certain nombre de problèmes, puisque personne n'est capable de produire ces (très rares) inspirations sur quelque sujet que ce soit avec un taux d'erreur correct. (Si quelqu'un prétend le contraire, je vous recommanderais le plus grand scepticisme.) Essayer de se comporter de cette impossible manière peut rendre certaines personnes excessivement obsédées par les "grands problèmes" ou les "grandes théories", elle peut faire perdre à d'autres le sain scepticisme sur leur propre travail ou sur leurs outils, et elle peut décourager d'autres encore de travailler dans les mathématiques. De plus, attribuer le succès au seul talent inné (qui est hors contrôle) plus que sur l'effort, l'organisation, la formation (qui sont sous contrôle) peut aboutir à d'autres problèmes encore.


C'est une erreur courante de confondre qualité absolue et qualité comparée

Bien sûr, même si on rejette la notion de génie, on ne peut pas nier le fait qu'à chaque instant, certains mathématiciens sont plus rapides, plus expérimentés, plus érudits, plus efficaces, plus soigneux, ou plus créatifs que d'autres. Pourtant, cela n'implique pas que seuls devraient faire des mathématiques les mathématiciens les meilleurs ; c'est une erreur courante de confondre qualité absolue et qualité comparée. Le nombre de domaines intéressants de recherche mathématique et de problèmes à résoudre est vaste - bien plus vaste que ce qui pourrait être couvert en détail par les seuls mathématiciens les "meilleurs", et parfois les outils et les idées que l'on peut avoir parviennent à trouver quelque chose que les autres bons mathématiciens auraient regardé de trop loin, sans compter sur le fait que même les plus grands mathématiciens ont toujours des faiblesses dans certains aspects de leur recherche mathématique. À partir du moment où l'on a une formation, de la motivation, et du talent en quantité raisonnable, il y aura toujours une part des mathématiques où l'on pourra faire une contribution solide et utile. Il se peut que ce ne soit pas la partie des mathématiques la plus prestigieuse, mais en fait ça a tendance à être plutôt sain ; dans pas mal de cas l'application d'une technique ordinaire dans un certain sujet peut s'avérer être en fait plus importante que les sujets à la toute pointe. Aussi, il est nécessaire de commencer à se faire les dents sur les parties moins glamour d'un domaine avant de se lancer dans de quelconques recherches sur les problèmes connus ; jetez un oeil sur les premières publications de n'importe quel grand mathématicien d'aujourd'hui et vous comprendrez ce que je veux dire.

L'excès de pur talent peut finir par être dangereux

Dans certains cas, assez paradoxalement, l'excès de pur talent peut finir par être dangereux dans le développement mathématique de certains chercheurs à long terme ; si les solutions des problèmes viennent trop facilement, par exemple, on peut alors mettre trop peu d'énergie à travailler dur, à poser des questions naïves, ou à élargir son champ de connaissance, et cela peut entraîner la stagnation des compétences. Aussi, si on est habitué au succès facile, sans doute ne développe-t-on pas la patience nécessaire pour s'attaquer aux problèmes vraiment difficiles. Le talent est important, bien sûr; mais savoir le développer et le nourrir est encore plus important. Il est bon aussi de se souvenir que les mathématiques, au niveau professionnel, ne sont pas un sport (contrairement aux compétitions de mathématiques). L'enjeu en mathématiques n'est pas d'obtenir le meilleur classement, la meilleure note, ou le plus grand nombre de prix et de récompenses; mais c'est plutôt d'accroître sa compréhension des mathématiques (à la fois pour soi-même, pour les collègues et pour les étudiants), et de contribuer à son développement et à ses applications. Pour tout cela, les mathématiques ont besoin de toutes les bonnes volontés possibles.


Traduit à partir de la version originale en anglais avec l'autorisation de l'auteur.


Vie de mathématicien(ne) : Erwan Le Pennec

Que font-les mathématiciens ? Erwan Le Pennec s'exprime sur le sujet à travers une interview que nous lui avons proposée. Il est chargé de recherche d'INRIA et co-fondateur de l’entreprise Let it Wave pour le traitement des signaux et des images.


    Erwan
  • D'où vient votre passion pour les mathématiques? Pourquoi avez-vous décidé d'étudier les mathématiques ?

    Je ne sais pas d'où vient ma passion pour les maths. J'ai l'impression d'avoir été animé par la curiosité depuis que je suis petit et que les maths me permettent d'assouvir cette curiosité dans un cadre professionnel. Je pense qu'elle aurait pu s'exprimer dans d'autres disciplines si le hasard de la vie ne m'avait fait choisir les maths appliquées.

  • Est-ce que vous pouvez nous parler de votre parcours scolaire/universitaire ?

    Après un bac scientifique, j'ai intégré une classe préparatoire puis la filière maths de l'ENS Cachan. J'y ai suivi une licence et une maîtrise de maths, un DEA de maths appliquées au traitement du signal et à l'apprentissage et enfin j'y ai préparé l'agrégation de maths. J'ai ensuite fait une thèse autour de la théorie de l'approximation appliquée à la compression d'image.

  • Et après l'université ? Est-ce que vous vouliez continuer votre carrière dans l'université ?

    À la fin de ma thèse, mon directeur de thèse a eu l'idée un peu folle de créer une entreprise et m'a proposé d'y participer. J'y ai travaillé à plein temps pendant deux ans et j'y ai pris un très grand plaisir. Ma seule frustration dans cette expérience était de ne pas avoir de temps pour aller au fond des choses et j'ai donc décidé de retourner vers l'université. J'ai réussi à obtenir un poste de maître de conférences en statistique, une discipline à laquelle je m'étais confronté pendant ma thèse. En parallèle à mon activité universitaire, j'ai continué à suivre de près l'activité de la petite entreprise que nous avions créée, en tant que consultant. Depuis 3 ans, j'ai intégré INRIA en tant que chercheur et j'y travaille sur des problèmes à la frontière entre les statistiques et le traitement du signal.

  • Selon vous quelles sont les raisons qui font des mathématiques le sujet le plus difficile et « détesté » parmi les autres sujets scolaires?

    Je pense que la raison principale est que les maths sont utilisées, en France, comme l'un des outils majeurs de sélection. L'échec ou la réussite en maths semble conditionner le futur de tous les élèves. Ce qui en plus d'être stupide (ce n'est pas parce que l'on réussit scolairement en maths qu'on est intelligent et réciproquement) est contre-productif sur la perception des maths : on les perçoit comme un objet de « torture » plus que comme une source de « plaisir », ce qu'elles peuvent être.

  • Comment êtes-vous entré dans le monde de l'industrie ?

    Je suis entré dans le monde de l'industrie un peu par hasard à travers ce projet de création d'une petite entreprise avec mon directeur de thèse et deux autres de ses anciens thésards. J'y ai découvert un monde que je ne connaissais pas : ma famille est une famille d'enseignants et je n'avais pas eu l'occasion de travailler dans un milieu industriel au cours de mes études. J'y ai beaucoup appris et, même si je n'y suis plus directement, je pense comprendre beaucoup mieux qu'avant les problématiques industrielles.

  • Pourquoi avez-vous choisi ce secteur ?

    Le secteur d'activité de Let It Wave, le nom que nous avions donné à cette entreprise, était celui que j'avais étudié en thèse : le traitement du signal et plus particulièrement des images. Après un détour par une application de compression de photos d'identité, nous avons travaillé sur des problèmes liés à la télévision numérique : désentrelacement, Frame Rate Conversion et qualité image. Nous y avons développé des algorithmes qui ont pu être implémentés sur des puces, finalement vendus à des fabricants de téléviseurs.

  • Que faites-vous actuellement (plus en détail) ?

    Je suis actuellement chargé de recherche chez INRIA. Mon activité de recherche s'articule actuellement autour de trois thèmes : un problème d'inversion tomographique lié au fonctionnement des scanners, un problème de segmentation d'image hyperspectrale dans le cadre d'analyse des matériaux anciens et enfin un problème de détection d'évènements rares sur des textures complexes.

  • Quelle est l'importance des mathématiques dans l'industrie dans laquelle vous travaillez ?

    Mon métier est mathématicien, l'importance des mathématiques y est donc grande. Mon travail est la plupart du temps lié à des applications. Grâce à l'analyse mathématique de ces problèmes, je peux proposer des algorithmes dont je comprends bien le fonctionnement et donc que je peux adapter finement au cadre considéré.

  • Pouvez-vous décrire un projet dans lequel les mathématiques ont joué un rôle important?

    Dans tous les projets sur lesquels j'ai travaillé, les maths ont joué un rôle central que ce soit dans l'algorithme de compression de photos d'identité, les algorithmes de traitement vidéo en temps réels ou dans mes travaux plus académiques. Tous reposent sur une compréhension mathématique d'une bonne modélisation du problème.

  • Est-ce que vous êtes satisfait de « l'application » de votre connaissance des mathématiques ?

    Je ne pense pas pouvoir l'être beaucoup plus...

  • Changeriez-vous quelque chose dans votre vie comme mathématicien? Quels sont vos projets pour l'avenir?

    J'ai la chance d'avoir un métier passionnant et de pouvoir le pratiquer dans de bonnes conditions. Pour l'avenir, je souhaite continuer sur cette voie.

  • Que conseilleriez-vous  aux mathématiciens qui veulent entrer dans le domaine  industriel ?

    Il est toujours difficile de donner des conseils généraux. Je dirais juste que si un mathématicien en a envie je suis convaincu qu'il peut apporter beaucoup au milieu industriel et en retirer beaucoup également. Cela demande « juste » une forte envie, un bagage mathématique solide et beaucoup de travail...


Retrouvez Erwan Le Pennec dans la vidéo du Prix Fondation EADS 2007 (à la min 1'52)


L'Alphabet : A comme APPROXIMATION

On dit que les mathématiques sont la science EXACTE par excellence. Cependant, très souvent en mathématiques, il arrive de travailler avec des quantités qui ne sont pas déterminées de façon exacte et le problème principal est de contrôler l'erreur que l'on commet.


La situation typique est quand on a un problème qu'on ne sait pas résoudre et dont on sait trouver une solution approchée. En d'autres termes, on ne connaît pas la solution, mais on sait en déterminer une version raisonnablement similaire, en donnant (précisément !) un sens à cette similarité.

Approx Un exemple simple pour comprendre ce concept est le calcul d'une surface. Supposons que l'on soit tous d'accord sur le fait que la surface d'un rectangle est donnée par la formule "base fois hauteur". Comment calculer la surface d'une forme qui ne soit pas rectangulaire ? Sans espoir ! (ou presque ...). Une première approche possible est celle de déterminer des approximations de la surface cherchée. Par exemple, la surface du domaine sera sûrement supérieure à la surface d'un rectangle qu'il contient. Et l'aire du rectangle est connue ! Donc on a déjà obtenu une estimation par défaut de la surface cherchée. De combien cette valeur est différente de celle qu'on cherche réellement ? Avec seulement cette donnée on ne peut rien dire. Mais, avec un petit peu plus d'imagination, on peut imaginer emboîter le domaine dans un rectangle (connu) qui le contient. Avec les estimations par le haut et par le bas on peut ainsi contrôler l'erreur d'approximation, qui est plus petite ou égale à la différence des surfaces de deux rectangles (le contenant et contenu).

On a ainsi une valeur approchée de la surface et une estimation de l'erreur commise. Cependant, il se peut que l'erreur commise soit trop grossière et que l'on ait besoin d'une estimation plus précise. Comment faire ? Dans le problème de la surface il y a deux raisonnements possibles. Le premier est d'agrandir le rectangle contenu et rétrécir le contenant. Cette stratégie est efficace, mais on se rend vite compte qu'on va pas assez loin ainsi. La deuxième façon est plus subtile : si on connaît la surface d'un rectangle, on connaît aussi la surface du domaine composé de deux, trois, quatre, une famille de rectangles ! On peut donc améliorer l'approximation par défaut en ajoutant au précédent rectangle contenu dans le domaine un autre rectangle. Et ainsi de suite. Pour l'approximation par le haut il faudra, bien sûr, enlever des rectangles. Ainsi on obtient des domaines approchant de plus en plus le domaine initial, et on détermine une approximation de la surface. L'erreur commise est toujours donnée par la différence des surfaces des domaines approchants, et donc elle s'améliore à chaque pas.

Il existe un très grand nombre de situations pour lesquelles de tels procédés d'approximation sont nécessaires. Il est impossible d'en faire une liste. Une thématique pour laquelle l'approximation est importante est celle de l'analyse numérique qui, grosso modo, s'intéresse à des approximations de modèles appliqués, traduit en équations mathématiques, par le biais de calculateurs. Par exemple, il existe un modèle de propagation des influx nerveux dû à Hodgkin et Huxley (prix Nobel en médecine dans les années 60). Ce modèle a une traduction mathématique précise, dont il n'est pas évident de trouver une solution explicite.

Comment faire ? Utiliser un ordinateur est une très bonne stratégie... Il faut alors approcher le modèle avec une version qui soit comprise par l'ordinateur. Une fois calculée la solution numérique approchée il est essentiel d'en établir l'erreur. C'est comme si on suppose que l'ordinateur ne sait que calculer des surfaces de rectangles et qu'on veut l'utiliser pour déterminer l'approximation de surfaces de domaines quelconques.

En définitive, qu'est ce que ça veut dire approximer ? S'approcher ... Mais le concept de voisinage est relatif. Donc, selon le critère de voisinage (autrement dit selon les différentes façons de calculer l'erreur commise), il peut y avoir différentes voies d'approximation. C'est un peu ce qui arrive dans l'art : qui peut affirmer qu'une peinture de Picasso représente moins la réalité qu'une photo ? Voies différentes, techniques différentes, peuvent cadrer des aspects différents de la réalité qui nous entoure.


Traduit à partir de la version originale en italien de Corrado Mascia avec l'autorisation de l'auteur.


La «fièvre Bieber» est plus contagieuse que la rougeole !

Selon une étude récente, le succès du chanteur canadien se propage chez les jeunes du monde entier comme une vraie maladie.


JustinBieber Une étude, menée par une équipe de l'Université d'Ottawa qui étudie la propagation des maladies infectieuses, suggère que la «fièvre Bieber» peut être considérée comme la maladie la plus contagieuse de notre temps, capable d'infecter toute une génération de jeunes. En outre, les modèles mathématiques prédisent que cette maladie ne peut être éradiquée rapidement. En effet, selon les auteurs, seule une forte dose de «l'effet Lindsay Lohan» – c'est-à-dire une intense publicité négative – pourrait faire disparaître l'obsession généralisée pour la méga-star Justin Bieber.

«Les journaux à scandale sont sans doute notre dernier espoir contre une infection complète et apocalyptique», ont affirmé Valerie Tweedle, étudiante, et son professeur Robert J. Smith? (ce n'est pas une faute de frappe, Smith? a changé son nom pour se distinguer des nombreux homonymes présents dans le monde de la recherche), dans un chapitre du livre «Comprendre la dynamique des maladies infectieuses émergentes et ré-émergentes à l'aide de modèles mathématiques».
Comme toutes les autres maladies, la fièvre Bieber a ses propres symptômes : pleurs ou cris incontrôlables, achat excessif de souvenirs, distraction dans la vie quotidienne et imitation de la coiffure de Bieber.
Mais comment s'est propagée cette maladie Bieber ? «Grâce à une exposition constante, la fièvre Bieber a été incubée et s'est propagée. Des millions de personnes ont déjà été infectées, et d'autres sont en danger chaque jour. Il est nécessaire d'agir en urgence», ont déclaré les auteurs. Une intervention d'urgence est-elle vraiment nécessaire ?

Des millions de personnes déjà infectées...!

Peut-être que non. En réalité, l'étude est un exercice de modélisation de la croissance phénoménale de la popularité de Bieber – comme en témoigne le nombre de citations sur Twitter et de recherches sur Google – en utilisant des techniques propres aux maladies infectieuses. Le travail de Tweedle, sur lequel le chapitre se fonde, a obtenu un A+ dans le cours de Smith?. Les deux chercheurs, cependant, ne suggèrent pas aux jeunes – ou leurs parents – du monde entier de se protéger contre Bieber, et ne tentent pas de réduire sa réputation avec une campagne de dénigrement. En fait, l'étude a révélé que ce qui a poussé la «Bieber-mania» au niveau de fièvre est une stratégie publicitaire spécifique : en effet l'attention suscitée par des événements, comme le lancement d'un CD ou d'une nouvelle coupe de cheveux, est suivie d'une pause, suivie à son tour par d'autres nouvelles sur le jeune homme. Le travail suggère qu'une «Bieber surexposition constante» conduirait probablement à une baisse de sa popularité.
« Si Bieber était sur toutes les couvertures tous les mois, les gens finiraient par penser: « J'en ai assez de Bieber. Il est partout ! » Smith? dit : «Mais si les nouvelles et les pics de publicité sont alternés avec des moments de pause, il peut durer presque indéfiniment. Évidemment, ce n'est pas formellement une maladie, mais il en a toutes les caractéristiques, et se comporte comme telle.»
Smith? a récemment visité une classe d'une école primaire, où chaque enfant de neuf ans connaissait Justin Bieber et tous, sauf un, l'aimait comme chanteur. Il a également passé du temps au Sénégal en Avril, pour enseigner les mathématiques à des étudiants de master. Dans ce cas, l'ensemble de ses élèves africains connaissaient Bieber. Smith? conclut en disant: «Maintenant nous avons tous cette langue commune ... nous parlons tous Bieber».



Le questionnaire de Proust : Maria J. Esteban

MariaEstebanÀ la fin du XIXe siècle, l'adolescent Marcel Proust découvre dans un album en anglais de sa camarade Antoinette Faure, fille du futur président Félix Faure, le test devenu célèbre comme «questionnaire de Proust».
À cette époque, ce genre de jeu était en vogue dans les grandes familles françaises : il consistait en une série de questions sur les goûts et les aspirations.
Nous avons modifié les questions du test en «sens mathématiques» et à chaque nouvelle lettre un(e) mathématicien(ne) répondra aux questions de notre «questionnaire de Proust version maths».


Dans cette première lettre on propose le questionnaire de Proust à Maria J. Esteban, directrice de recherche au C.N.R.S., affectée au CEREMADE (Univ. Paris-Dauphine) et ex-présidente de la SMAI, la Société des Mathématiques Appliquées et Industrielles.



  • Ma vertu préférée en mathématiques

    La curiosité et l’intuition.

  • Le principal trait de mon caractère mathématique

    L’excitation nerveuse qui précède l’arrivée d’une bonne idée.

  • La qualité que je préfère chez les mathématiciens

    Avoir une bonne culture scientifique.

  • La qualité que je préfère en mathématiques

    La rigueur.

  • Mon principal défaut comme mathématicienne

    Une logique implacable qui se transmet dans la vie courante, ce qui n’est pas toujours parfait.

  • Ma lecture mathématique préférée

    Les livres qui décrivent bien et clairement une série de techniques et de problèmes, en mettant les choses en perspective, comme qui raconterait une histoire.

  • Mon rêve comme mathématicienne

    Aider à résoudre des problèmes “utiles”.

  • La faiblesse principale des mathématiques

    Les mathématiques actuelles sont souvent trop loin de la réalité ; j’aime quand elles cherchent à nous éclairer sur des problèmes concrets.

  • La mathématicienne que je voudrais être

    Ouverte sur d’autres domaines et disciplines, cultivée scientifiquement

  • L'exercice de mathématiques que je préfère

    Tous et aucun en particulier.

  • Le théorème que je préfère

    Le théorème de Lebesgue de la convergence dominée.

  • L'application des mathématiques que je préfère

    Celle qui sert à mieux comprendre un phénomène de la nature.

  • Les mathématiciens qui m'ont orienté

    Mon directeur de thèse, certains de mes profs de fac et quelques-uns de mes collaborateurs.

  • Les mathématiciens qui m'ont dissuadée

    Ceux qui défendent trop une chapelle, ceux qui sont trop compétitifs.

  • Le nom de variable que je préfère

    X

  • Le type de calcul que je préfère

    Je m’amuse beaucoup en faisant des calculs numériques, c’est comme un jeu, et souvent j’ai été inspirée par eux dans la recherche d’un résultat théorique.

  • Le type de calcul que j'utilise

    Le plus souvent c’est très variable.

  • Le type de calcul que je trouve le plus ennuyeux

    Quand il faut simplifier de longues formules compliquées.

  • Les dénominations mathématiques que je préfère (théorème, corollaire...)

    Lemme et proposition.

  • L'entreprise scientifique que j'estime le plus

    La bonne recherche médicale.

  • Comment j'aimerais qu'on se souvienne de moi comme mathématicienne

    Comme une personne qui a aidé des gens à avancer et qui a trouvé quelques bonnes idées.

  • L'état présent de mes recherches

    Elles se font quand j’ai du temps, je suis actuellement trop prise par des questions de gestion de la recherche. C’est aussi intéressant, mais parfois j’aimerais avoir plusieurs longues journées de suite pour pouvoir réfléchir sur un problème dur. Parfois les idées qui arrivent dans ma tête doivent attendre pas mal de jours avant que j’aie le temps de voir si elles marchent vraiment !

  • La faute qui m'inspire le plus d'indulgence

    J’aurais presque préféré répondre à la question contraire, parce que je pense que je suis plutôt assez indulgente en général.

  • Ma devise

    Ne jamais me laisser décourager.

  • Pourquoi la recherche mathématique est-elle masculine ?

    Qui dit que la recherche mathématique est féminine ? je ne suis pas d’accord, elle n’a pas de sexe, et si on trouve plus de chercheurs hommes que femmes c’est pour des raisons sociologiques et liées à l’éducation.

  • Les mathématiques appliquées s'étendent-elles à la même vitesse que celle des algorithmes mathématiques ?

    Oui, je pense que oui, on avance vite dans la modélisation, dans la recherche de méthodes nouvelles pour résoudre des problèmes appliqués, et souvent les algorithmes avancent aussi en voulant résoudre un problème appliqué concret.

  • Dans quelle mesure le travail compte-t-il dans la résolution de problèmes mathématiques ?

    Les idées n’arrivent en général qu’après avoir travaillé, réfléchi, essayé diverses approches… Sans travail, difficile de trouver.

  • Dans quelle mesure le formalisme compte-t-il ?

    Le formalisme compte pour écrire les résultats, mais souvent pas pour les trouver. C’est mon expérience, mais cela pourrait être différent dans d’autres domaines.

  • Mathématiques et grammaire sont-elles liées ?

    Evidemment ! puisque toutes les deux ont trait au langage, parlé et écrit.

  • Parlez-vous "mathématique" correctement ?

    Je pense que oui, en général, quoique dans les discussions informelles, et dans celles où l’on discute avec des collègues sur des problèmes à résoudre, on est souvent approximatif.

  • À quel point faut-il être doué pour réussir en mathématique ? Pour quoi faire faut-il avoir moins de trente ans ?

    Si on n’est pas un peu doué, on ne va pas arriver à résoudre des problèmes intéressants, et alors cela va être dur de réussir. Mais je ne suis pas du tout d’accord qu’il faut avoir moins de 30 ans pour réussir à faire de bonnes maths ! Il y a plein de contre-exemples.

  • Êtes-vous douée ? Depuis quand ?

    En mathématiques ? Je pense que je suis douée pour certaines choses et pas pour d’autres. Je suis bonne pour l’intuition, pour « voir » des chemins à suivre lorsque je cherche à montrer un résultat. Je suis imaginative. Depuis quand ? je ne sais pas, depuis toujours j’imagine.


Retrouvez Maria Esteban dans la vidéo du Forum Emploi Maths (à la min 4'36)


Quand les mathématiques sont un cauchemar... le cerveau se détraque !

Tout le monde a probablement paniqué au moins une fois dans sa vie devant un exercice de mathématiques très difficile. Durant un examen ou un contrôle en classe, une part d'anxiété s'installe et notre esprit finit par ne plus être très lucide. Une étude américaine a expliqué pourquoi.


Cerveau Beaucoup de gens éprouvent des difficultés dans l'étude des mathématiques, difficultés qui souvent engendrent une véritable terreur dans cette matière. Quand les mathématiques sont un cauchemar, le cerveau perd sa lucidité comme s'il était en proie à une phobie, semblable à celle des serpents ou des araignées. Une étude américaine, dirigée par Vinod Menon de Stanford University School of Medicine, a en effet démontré que le cerveau d'une personne pour qui la résolution d'exercices de mathématiques est un cauchemar, se détraque. En fait, dans ces cas, les zones du cerveau liées à la peur et aux émotions s'hyperactivent et, en même temps, inhibent celle de la rationalité et du calcul qui régissent la capacité à résoudre des problèmes. Les conséquences évidentes sont la perte de lucidité et un sentiment croissant d'anxiété.

Phobie des maths !

Les experts ont d'abord mesuré le QI et les capacités cognitives d'un groupe d'enfants de 7-9 ans et ont évalué au moyen de questionnaires ad hoc lesquels d'entre eux avaient "peur des mathématiques". Puis ils les ont soumis à de simples tests d'arithmétique, pendant que leur cerveau était analysé par résonance magnétique. Au cours de l'exécution des opérations, le cerveau des enfants ayant le cauchemar des mathématiques était dominé par l'anxiété et la peur avec une hyperactivation au niveau des amygdales. En même temps, les zones dédiées à la résolution des problèmes marchaient moins bien. L'étude, publiée dans la revue "Psychological Science", a ainsi démontré qu'en quelque sorte les centres de la peur détraquent la rationalité et la capacité de calcul et en effet, à même QI et compétences mathématiques, les enfants phobiques ont une performance beaucoup plus basse aux tests de calcul auxquels ils sont soumis. Selon les chercheurs américains la phobie des mathématiques pourrait donc être traitée avec des interventions ciblées, comme nous le faisons aujourd'hui pour d'autres phobies.




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