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Newsletter #8 - juillet 2015

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MaddMaths
Edito

« Mais à quoi servent les mathématiques ? » Parmi les nombreuses réponses à LA grande question, nous vous conseillons une réponse « technique », condensée dans le résultat suivant :

Théorème 1 : les maths sont vraiment utiles.

Faites attention, ceci n'est pas une conjecture ! La preuve complète en effet est publiée dans l'étude EISEM réalisée par le cabinet CMI à la demande d'AMIES en partenariat avec les fondations FSMP et FMJH et les labex de mathématiques. L'impact socio-économique des mathématiques en France a été étudié pour mettre en évidence la contribution économique actuelle des mathématiques au développement industriel et à l’innovation. Il est ainsi reconnu que les mathématiques constituent un champ de recherche, d’apprentissage et de connaissances qui sert de socle au développement des compétences de base, mobilisées dans de très nombreux métiers, et des compétences de pointe en mathématiques avancées, pour résoudre des problématiques de plus en plus complexes. De plus, les problématiques sur lesquelles sont mobilisées les mathématiques ne sont pas résolues par elles seules, mais impliquent de très fortes interactions, qui ont tendance à s’accentuer, avec d’autres disciplines : informatique, physique, mécanique, automatique, chimie, sciences du vivant, sciences sociales, etc. Vous pouvez découvrir les détails de cette « démonstration » sur le site web dédié à l'initiative.

En espérant que ce 8ème numéro de MADD Maths vous plaise, nous vous souhaitons une très bonne lecture. Nous vous souhaitons aussi de bonnes vacances et vous donnons rendez-vous dans quelques mois… avec une belle surprise !



L'équipe de rédaction de la lettre MADD Maths.



Comment les manifestations se propagent-elles ?

running Dans un article publié récemment sur arXiv, H. Berestycki et N. Rodriguez ont proposé un nouveau modèle macroscopique pour décrire les mouvements sociaux comme les manifestations et les émeutes. Cette approche a déjà été utilisée pour modéliser d'autres phénomènes sociaux comme la délinquance urbaine, la ségrégation sociale et l'opinion publique, entre autres.


Certains événements d'actualité ont mis en évidence la nécessité de comprendre la dynamique des émeutes. Par exemple, aux États-Unis, l'homicide de Michael Brown en août dernier à Ferguson dans le Missouri commis par un policier, et la décision du grand jury de ne pas inculper l'agent de police, ont donné lieu à des semaines de protestations. Une vague de protestations similaires a eu lieu à New York, après la décision des juges de ne pas entreprendre d'action judiciaire contre le policier impliqué dans l'étranglement d'Eric Garner.


En considérant l'intérêt de l'opinion publique pour ces cas, le risque d'augmentation et de propagation de l'agitation sociale devient de plus en plus concret. En effet les protestations peuvent être considérées comme des sortes d'« explosions » d'activités sociales, induites par un événement déclencheur, et qui augmentent pour une certaine période de temps grâce à un mécanisme d'auto-renforcement ou à d'autres chocs externes. Il est donc important comprendre quand ces explosions se produisent et comment elles se propagent.


L'idée proposée dans l'article est de décrire le phénomène au niveau macroscopique, en utilisant des modèles continus d'équations aux dérivées partielles et en considérant le couplage d'une variable explicite, qui représente l'intensité de l'agitation, et d'une variable implicite, qui décrit la tension sociale. Le système comprend également les effets de facteurs exogènes et endogènes, ainsi que les mécanismes de propagation.


Compte tenu de la complexité de ces problèmes, il n'est pas possible de comprendre les origines économiques, sociales ou politiques des révoltes, et encore moins, d'en contester la légitimité. Cependant, grâce à cette approche mathématique, il est possible de déterminer leur comportement qualitatif. Par exemple, nous pouvons comprendre l'influence de la limitation d'informations et des réseaux de communication sur la diffusion et la durée d'une potentielle protestation. Il a été montré en effet que la limitation d'informations entrave les émeutes, tandis qu'un plus grand accès aux médias sociaux et à la technologie a l'effet inverse.


Le modèle proposé est capable de capturer les ondes de « perturbation », c'est-à-dire un trouble des protestations qui se propage dans l'espace. De plus, grâce au type d'équations utilisées il est possible de quantifier la vitesse à laquelle ces ondes se propagent.



Une formule mathématique pour déterminer le trajet en avion idéal

Il est assez clair que le nombre d'escales est un facteur déterminant dans le choix d'un itinéraire en avion, les voyageurs préférant de manière assez naturelle les vols directs. Mais en dehors de ce critère, qu'est ce qui fait qu'un vol est meilleur qu'un autre aux yeux des voyageurs ? Comment déterminer le meilleur itinéraire parmi une grande diversité de vols directs proposés ?


trajectoire_avion L'équipe du site Skyscanner, un des leaders mondiaux dans la recherche (et la comparaison) de billets d'avion sur internet, s'est intéressée à cette question et vient de mettre au point une formule mathématique visant à attribuer une note sur 20 à chaque offre de vol. Il est alors possible de recommander aux voyageurs l'offre idéale de vol suivant ce critère (celle qui obtient la note maximale).


Une enquête a tout d'abord été menée auprès de 2000 voyageurs pour bien cerner leurs attentes. Il en ressort que les principaux critères pris en compte lors de la réservation d'un billet d'avion sont le fait que le vol soit direct (pour 66 % des sondés), les horaires de décollage et d'atterrissage (45 %) et la ponctualité (38 %). D'autre part, d'autres qualités sont à prendre en compte pour rendre le vol plus agréable : des sièges spacieux (61 %), la qualité de ce qui est proposé à manger et à boire (48 %), pas de turbulences (44 %), un siège libre à côté du sien (33 %), un prix pas trop élevé (30 %), une belle vue (24 %).


En dehors, du caractère direct du vol, la firme choisit de prendre en compte l'horaire du vol, la place pour les jambes et la ponctualité (critères ayant un fort impact sur la satisfaction des voyageurs) puis sollicite Eugena Cheng (professeure de mathématiques à l'université de Sheffield en Grande-Bretagne) pour élaborer, à partir de ces variables, une formule mathématique modélisant la satisfaction des voyageurs.


C'est ainsi qu'est proposée la définition suivante de la note de satisfaction associée à un vol :


Note(vol) = ( T + L - 30 ) x P


où : T = 10 (matinée), 5 (nuit), ou 3 (après-midi) représente l'impact de l'horaire du vol - ce score est proportionnel aux souhaits des voyageurs : matinée (52%), nuit (27%), et après-midi (21%)


28 ≤ L ≤ 40, correspond à la place pour les jambes (en pouces) – les valeurs supérieures à 40 sont ramenées à 40 (source www.airlinequality.com)


0 ≤ P ≤ 1, représente le pourcentage de vols qui respectent les horaires indiqués (source flightstats.com)


On remarquera que la note ainsi obtenue prend des valeurs entre 0 et 20 (limitée à 15 en classe économique car L ≤ 35 dans ce cas) prenant en compte les facteurs clés impactant la satisfaction des voyageurs. Une première approche pour nous aider trouver plus rapidement le vol de nos rêves...


Alphabet : H comme Théorème-H

Ne stressez pas pour toujours tout ranger : ce serait inutile. Le désordre (dans l’Univers) ne peut qu'augmenter. C’est la thermodynamique qui le dit, pas moi. Si vous ne croyez pas aux physiciens, sachez que les mathématiciens le confirment avec un théorème péremptoire et inéluctable comme celui de Pythagore : le Théorème-H. Pas de souci, rien à voir avec la bombe, ici, nous sommes tous des pacifistes.


theoreme_H Le mérite (ou la faute) doit être attribué à Ludwig Boltzmann. À l'époque, l'autrichien était persuadé que le mouvement d'une myriade de particules, qui bougent et se heurtent dans une boîte, était pratiquement identique à celui des particules d'un gaz. Pas seulement. Si les particules sont indiscernables, suivre le mouvement spécifique de chacune de ces boules de billard microscopiques n’est pas indispensable. Il suffit de garder un œil sur la répartition totale des particules en mouvement avec chacune sa vitesse.


Papier et stylo à la main, on écrit alors un certain nombre de rapports qui décrivent comment varie au fil du temps la quantité totale de particules qui se déplacent avec une vitesse donnée vers le nord-est, de celles qui vont avec une autre vitesse vers sud-ouest, et d’autres encore. Quantité, relations et variations. La cuisine est faite : vous vous retrouvez dans les mathématiques des équations différentielles. De Boltzmann, en l'occurrence. Les configurations macroscopiques possibles sont encore trop nombreuses et prévoir l'évolution à partir d'une situation donnée reste prohibitif.


Le point de vue statistique suggère l'introduction de quantités globales associées à chacune de ces configurations. Dans cette logique, apparaît comme par magie la fonctionnelle H, chargée d'associer à chaque arrangement possible un numéro spécifique. Au passage du temps, en changeant la configuration, la valeur H change également. Eh bien, le Théorème H indique que la valeur de la fonctionnelle ne peut que diminuer. Juste ça. Pas frappant à première vue. Mais si nous interprétons H comme l'opposé de l'entropie, nous obtenons une preuve rigoureuse de la croissance de l'entropie au passage du temps. Puissance de la mécanique statistique.


Si vous n'êtes pas tellement convaincu de ce lien direct entre H et l'entropie, ou si vous n'avez pas vraiment compris en quoi consiste finalement cette entropie, pas grave. Les conséquences du Théorème-H se voient quand même : la décroissance indique la présence d'une direction dans le passage du temps. La bien connue flèche du temps. Toute encodée dans le signe d'une simple dérivée première. Pas mal.


Une voix discordante se charge de rappeler que les théorèmes ne sont pas des vérités absolues. Même le théorème de Pythagore, avec tout le respect dû à Euclide, est faux en géométrie sphérique. Tous les résultats mathématiques ont leur domaine de validité défini par les fondements de toute la construction. Le Théorème-H n’échappe pas non plus à cette règle. Dans le cas d'équations de Boltzmann, il y a un choix spécifique au type d'interaction entre les microscopiques boules de billard. On l'appelle l'hypothèse du chaos moléculaire et cela consiste à supposer l'absence de corrélation entre les vitesses des particules qui entrent en collision.


Comme tous les énoncés qualitatifs, le Théorème-H a aussi ses répercussions en dehors du domaine de la mécanique statistique et la dynamique des gaz. La plus jeune soeur de la fonctionnelle H, née sous l'égide de Claude Shannon, est à la base de la théorie de l'information. La fonctionnelle H de Shannon, version discrète de la H de Boltzmann, mesure, à sa manière, l'incertitude et la compressibilité d'une séquence de données et, en tant que telle, est considérée comme une plausible définition d’entropie de l'information.


Il reste la curiosité littérale pour le choix du symbole H. Il ne s’agit pas d’une aspiration entropique, mais de la majuscule de la lettre grecque “eta”. À la rigueur, donc, on devrait parler de Théorème Eta. Alors ces lignes trouveraient leur habitat naturel dans la version grecque de MADDMaths (s'il y en avait une).


Traduit à partir de la version originale en italien de Corrado Mascia avec l'autorisation de l'auteur.


Le Centre Galois, une initiative de popularisation des maths pour les lycéens

Aurélien ALVAREZ et Philippe GRILLOT- Université d'Orléans

Toucher du doigt le monde de la recherche, être sensibilisé à la culture et aux carrières scientifiques, satisfaire sa curiosité mathématique, c'est devenu possible au stage du Centre Galois destiné aux lycéens.


Le Centre Galois est né en 2011, l'année du bicentenaire de la naissance d'Évariste Galois.


centre_galois Évariste Galois, c'est presque un personnage de fiction ! Mort en duel à l'âge de 20 ans, il laisse dans les mathématiques une empreinte indélébile par la profondeur des idées qu'il a introduites. En une phrase, il nous dit : « Sauter à pieds joints sur les calculs, grouper les opérations, les classer suivant leurs difficultés et non suivant leur forme, telle est selon moi la mission des géomètres futurs ». Galois est né en 1811 à Bourg-la-Reine et ses premiers travaux ont été présentés à l'Académie des sciences par Cauchy en 1829. Entretemps, Galois a passé une enfance heureuse dans sa famille, avant de devenir pensionnaire au lycée Louis-le-Grand. Ses échecs au concours d'entrée à l'École polytechnique et la mort tragique de son père vont profondément le marquer. Quant à ses travaux, ils sont difficiles à comprendre même pour les plus brillants esprits de l'époque. Il faudra des années après sa mort et les efforts de mathématiciens comme Liouville puis Jordan pour qu'on comprenne toute l'originalité du jeune homme. Républicain passionné, Galois meurt dans un duel en 1832, duel dont les raisons ne sont toujours pas complètement élucidées, non sans avoir pris soin la veille de coucher sur le papier ses dernières réflexions mathématiques. Oui, Galois c'est quasiment un personnage de fiction !


Le Centre Galois lève les rangs des mathématiciens de demain.


Le Centre Galois a pour premier objectif de faire aimer les mathématiques et d’attirer des jeunes, collégiens ou lycéens, vers les carrières scientifiques. Sont visés en priorité celles et ceux qui, tout en réussissant très bien en classe, ont du mal à se projeter dans des études scientifiques longues parce qu’ils ne bénéficient pas d’un environnement familial favorable. Nombre d’études montrent que les élites françaises tendent à se reproduire et que l’ascenseur social fonctionne mal. Le Centre Galois répond alors à une double exigence de justice sociale et de renouvellement du vivier des mathématiciens, ou plus généralement des scientifiques.


Les activités proposées, tout en tenant compte du niveau mathématique des stagiaires, s’éloigneront des programmes scolaires pour faire appel à l’intuition et l’imagination, en essayant d’exciter leur curiosité. Elles leur montreront comment les mathématiques sont présentes dans les sciences et les techniques (en particulier en informatique, physique, biologie), mais aussi dans notre vision du monde, y compris vu par les artistes. Le stage est entièrement gratuit.


Depuis l'année 2010 le Centre Galois accueille 30 élèves de fin de classe de seconde recrutés sur l'ensemble des lycées de l'académie d'Orléans-Tours ; une organisation dont la réussite repose grandement sur l'expérience de ses cinq partenaires, Centre-sciences, Animath, le Rectorat de l'académie d'Orléans-Tours, la Fédération Régionale des Maisons des Jeunes et de la Culture et la Fédération Denis Poisson.


Une des originalités du Centre Galois est de mettre les jeunes directement au contact de chercheurs en mathématiques, de sorte que celles-ci leur apparaissent vivantes, à l’image du rôle qu’elles jouent actuellement, à un moment où la modélisation mathématique a envahi toutes les sciences du fait de la révolution numérique.


Vie de Mathématicien(ne) : Margot Auvray

Pour ce numéro, c'est à une mathématicienne en herbe que nous avons proposé l'interview. Il s'agit de Margot Auvray, lycéenne au Lycée Camille Claudel à Blois, stagiaire au Centre Galois 2014.

margot

  • D'où vient votre passion pour les mathématiques ? Et pourquoi avez-vous décidé d'étudier les mathématiques ?

    Je ne saurais pas dire exactement d'où vient ma passion pour les mathématiques, mais à mes yeux, c'est un domaine où la logique prime. Au fur et mesure des années, j'ai découvert que j'aimais manier les chiffres.

  • Avez-vous envie d'étudier les mathématiques à l'université ?

    Oui, j'ai envie d'étudier les mathématiques à l'université, les mathématiques sont un domaine qui me plaît, et dans lequel je me sens à l'aise. J'ai pour but de devenir professeur de mathématiques.

  • Selon vous quelles sont les raisons qui font des mathématiques le sujet le plus difficile et pas toujours aimé parmi les autres sujets scolaires ?

    Ce qui fait que les mathématiques sont un sujet difficile et pas toujours aimé parmi les autres matières, c'est que ce n'est pas obligatoirement en lisant son cours que l'on apprend, même si cela y contribue. Selon moi, il faut avant tout être logique dans son raisonnement, connaître ses bases, et s'intéresser au sujet, ce qui n'est pas obligatoirement le cas dans les autres matières.

  • Pouvez-vous décrire votre semaine au Centre Galois ?

    Durant cette semaine au Centre Galois, nous avons eu des cours de mathématiques mais aussi de physique. Les sujets étudiés étaient totalement différents de ceux du programme scolaire : nous avons abordé l'astronomie (avec la visite de la station de Nançay) mais également la place des mathématiques dans la magie, etc. Cette semaine m'a aussi permis de rencontrer des personnes extraordinaires.

  • Les activités suivies au Centre Galois ont-elles influencé vos choix dans vos orientations ?

    Oui, les activités du Centre Galois ont influencé mon orientation, car j'y ai découvert une façon d'enseigner différente de celle pratiquée dans les établissements scolaires (collèges, lycées).

  • Pourriez-vous donner trois points forts du Centre Galois ?

    En tout premier, l'un des avantages du Centre Galois est sa façon de nous apprendre les mathématiques dans une très bonne ambiance ; nous y rencontrons également des personnes magnifiques, que ce soient des enseignants ou des élèves ; et c'est aussi une expérience unique que je conseille à n'importe quel élève pouvant se présenter.



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