Société de Mathématiques Appliquées et Industrielles

Communiqué sur le projet de réforme du baccalauréat (18/02/2018)


Communiqué

Suite à la présentation de la réforme du Lycée et du Baccalauréat général et technologique par Jean-Michel Blanquer le 14 février, les différentes composantes de la Commission Française pour l’Enseignement des Mathématiques signataires de ce texte constatent que le projet actuel pour le Lycée général et technologique comporte encore des zones d’incertitudes et elles partagent l’inquiétude déjà exprimée par l’Association des Professeurs de Mathématiques de l’Enseignement Public (APMEP).

Nous ne sommes pas hostiles à une réforme du baccalauréat, et nous partageons la plupart des critiques sur la lourdeur de son organisation et les conséquences néfastes du "bachotage". Nous partageons aussi le constat que l’organisation actuelle en séries du Lycée général et technologique ne lui permet pas de remplir suffisamment bien sa mission de formation du citoyen ni de préparer à l’enseignement supérieur les futurs scientifiques. Notre volonté est que si une réforme en profondeur du lycée est proposée, l’énergie nécessaire pour la mettre en place conduise à une amélioration effective de la situation. Il est donc important de réfléchir à la structure proposée, avant la mise en place de la réforme dans les établissements et la définition précise des contenus des programmes.
Le projet proposé nous inquiète à la fois pour la formation scientifique du citoyen à la sortie du Lycée général et technologique et pour celle des futurs scientifiques.
Cette réforme acte le fait que certain.e.s lycéen.ne.s peuvent obtenir le baccalauréat sans véritable enseignement de mathématiques en première, ni en terminale. En particulier, on reporte sur l’enseignement supérieur le fait de compenser le déficit de formation en mathématiques pour les futur.e.s professeur.e.s des écoles. L’intitulé du nouvel enseignement de tronc commun "humanités scientifiques et numériques", et le format réduit de 2h hebdomadaires, alors que c’est le seul enseignement de tronc commun comportant des sciences, ne permettent pas de présager que le lycéen qui n’aura choisi aucun autre enseignement scientifique en spécialité ou en enseignement facultatif, pourra acquérir la culture scientifique pourtant jugée indispensable à la formation du citoyen. Ce nouvel enseignement ne peut être considéré comme une amélioration suffisante de la formation scientifique actuellement très déficitaire dans la série L*. La composition du tronc commun actuel, la liste des disciplines de spécialités et celle réduite des enseignements facultatifs ne permettent pas à un.e lycéen.ne faisant le choix de s’orienter vers les disciplines dites littéraires de consolider sa formation scientifique. Cette réforme ne prend donc pas la mesure des enjeux soulignés dans le rapport Mathiot**..
Concernant le baccalauréat, quel que soit le choix d’orientation du lycéen ou de la lycéenne, la nouvelle épreuve d’oral terminal devra permettre d’évaluer sa faculté de raisonnement, sa capacité à mettre en place une démarche scientifique, il ne peut s’agir uniquement de mobiliser "les connaissances acquises au cours de sa scolarité, notamment scientifiques et historiques."
Pour les futur.e.s scientifiques, notre inquiétude rejoint celle exprimée dans le communiqué de l’UdPPC (Union des professeurs de physique et de chimie). Ce communiqué souligne les nouveaux équilibres du tronc commun, avec une augmentation des horaires de disciplines non scientifiques (Philosophie en terminale, Histoire-géographie en première et en terminale) par rapport à ceux de l’actuelle série S, alors qu’il faut faire place à une nouvelle discipline, l’informatique*** et conforter la formation en mathématiques en interaction avec les sciences expérimentales. Par ailleurs, le projet propose une logique de bi-disciplinarité liée au choix des deux disciplines de spécialités. On pourrait mettre en place d’autres enseignements scientifiques facultatifs permettant des parcours scientifiques plus complets pour répondre aux besoins, comme il est demandé dans le communiqué de l’UPS (Union des Professeurs de classes préparatoires Scientifiques).
En conclusion, le projet ne répond pas aux critiques des séries actuelles du Lycée général et technologique. Il n’affiche pas nettement une volonté de proposer une formation scientifique minimale pour tout lycéen et toute lycéenne ni une formation scientifique équilibrée et approfondie pour les futur.e.s scientifiques. Nous demandons que dans la mise en place effective de la réforme, ces deux aspects soient explicitement traités et améliorés. Le rapport Villani-Torossian sur l’enseignement des mathématiques remis récemment au ministre nous laisse espérer qu’il pourra s’entourer de l’expertise nécessaire pour répondre à cette demande.
La structure et l’organisation donnent le cadre indispensable à la formation, le contenu des enseignements en fait toute la richesse. Nos associations et sociétés savantes souhaitent participer en lien avec le CSP (conseil supérieur des programmes) à l’élaboration des programmes de mathématiques des différents enseignements proposés, en particulier au contenu du tronc commun ("humanités scientifiques et numériques" ) et son articulation avec celui de la spécialité ou des enseignements facultatifs. Elles soulignent aussi la nécessaire interaction avec les autres disciplines scientifiques en amont de la définition des programmes et dans leur rédaction, ainsi que la nécessité d’approfondir plutôt que saupoudrer.

Composantes de la CFEM signataires :
Association des Professeurs de Mathématiques de l’Enseignement Public (APMEP)
Société Française de Statistique (SFdS)
Société de Mathématiques Appliquées et industrielles (SMAI)
Société Mathématique de France (SMF)
Union des Professeurs de classes préparatoires Scientifiques (UPS)
Femmes et mathématiques
Association des Directeurs des instituts de Recherche sur l’Enseignement des Mathématiques (ADIREM)
Association pour la Recherche en Didactique des Mathématiques (ARDM)

* Pour l’actuelle série littéraire, le nouvel enseignement de 2h d’"humanités scientifiques et numériques" en tronc commun de première et de terminale est à comparer au seul enseignement de "sciences" en tronc commun (1h30 en classe de première), dont on trouvera le programme sur le site http://www.education.gouv.fr/cid53323/mene1019645a.html, auxquelles s’ajoutent la possibilité d’un enseignement facultatif d’ICN (informatique et création numérique) de 2h en première et terminale ; le nouvel enseignement facultatif de "mathématiques complémentaires" de 3h est à rapprocher de l’actuel enseignement au choix de 4h de mathématiques en terminale
**Le rapport Mathiot indique parmi les "quelques principes et objectifs" (page 24) : Prendre pleinement conscience des nouveaux enjeux qui se posent dans nos sociétés et qui impliquent que le lycée se les approprie impérativement : informatique, numérique, développement économique et liens avec les Stem (Sciences, Technology, Engineering, Mathematics), environnement, éthique, intelligence artificielle, etc.
*** lire page 44 du même rapport le paragraphe Faire de l’informatique et du numérique des priorités majeures


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