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Prix Paul Doisteau-Emile Blutet 2002

Gilles FRANCFORT et Jean-Jacques MARIGO, professeurs à l'université Paris XIII, à Villetaneuse ont reçu le prix Paul DOISTEAU-Émile BLUTET de l'Académie des Sciences pour leur travail sur la rupture fragile. Cette théorie a a pour objet de comprendre la naissance et la propagation d'une ou de fisssures en milieu élastique, sans toutefois recourir à une description atomistique. La modélisation utilisée par les mécaniciens est sommairement la suivante.

D'abord on prédétermine un trajet de fissuration Gamma et la fissure Gamma(l ) (supposée connexe) est alors paramétrée par sa longueur l. L'énergie élastique W dépend de la longueur de fissuration l et du tenseur linéarisé des déformations e(u). En d'autres termes,

W(u, l )=integraleOmega-Gamma(l ) W(e(u)(x))dx - (travail des forces ext.).

Puis on écrit un critère de croissance de la fissure sous une forme plus ou moins sophistiquée. Si l'on adopte le formalisme développé par GRIFFITH dans le cadre de la mécanique de la rupture, on écrit que le taux de restitution de l'énergie élastique doit rester en dessous d'un seuil critique k,

G : = - d W/dl (u, l )<= k.

Cette formulation a remporté de gros succès car la quantité G peut être reliée à des intégrales indépendantes du contour (la fameuse intégrale J de RICE). Cependant elle se révèle déficiente sur plusieurs points. Il lui est impossible de prédire l'initiation de la fissuration. De plus, le trajet de fissuration est déjà prédéterminé et enfin la fissure doit croître régulièrement en fonction du chargement.

Gilles FRANCFORT et J.J. MARIGO ont proposé une attitude quelque peu différente face à ce type de problèmes. L'idée en est simple. On définit, par analogie, l'énergie élastique W(u,Gamma), pour toute fissure Gamma ainsi que l'énergie de surface associée à la fissure Gamma, i.e., K : = kHausdorff N - 1(Gamma) (en dimension N = 1, 2, ou 3) et on minimise quasistatiquement - à chaque temps  t - la somme W + K sur l'ensemble des champs de déplacements cinématiquement admissibles u et des fissures admissibles Gamma contenant Gamma(s), fissure trouvée à l'instant s, pour s < t, sous une condition supplémentaire de conservation de l'énergie. Ce principe de minimisation qui n'est pas étranger à la mécanique des milieux continus (voir par exemple le principe de dissipation visqueuse maximale pour les mélanges immiscibles de deux fluides visqueux) permet, au prix de détours mathématiques certains, de pallier aux difficultés mentionnées plus haut.

Le cadre se prête bien à l'adoption d'autres types d'énergie de surface et il permet, encore au prix de détours non triviaux, une implémentation numérique efficace. Le modèle s'applique à des situations qui sont hors de portée de la mécanique de la rupture classique comme la décohésion et la multi-fissuration.

Ce travail a bénéficié au fil des années de la collaboration de B. BOURDIN, Louisiana State University, de F. BILTERYST, Institut Supérieur d'Ingénierie de la Conception, et de C.J. LARSEN, Worcester Polytechnic Institute.